Le thème de ce colloque nous permet de partager les fruits des recherches que nous menons depuis quelques années sur la situation des femmes africaines, leurs rapports avec les hommes et les luttes sociales et politiques dans lesquelles...
moreLe thème de ce colloque nous permet de partager les fruits des recherches que nous menons depuis quelques années sur la situation des femmes africaines, leurs rapports avec les hommes et les luttes sociales et politiques dans lesquelles elles se sont impliquées. Cette communication revient sur une vision véhiculée par les travaux des Occidentales et même des Africaines, tendant à considérer les femmes du continent comme des objets manipulables entre les mains des hommes. Elle essaie d'abord de restituer la place des femmes dans les sociétés africaines traditionnelles et de montrer comment le modèle colonial a consacré le recul de leur statut et a renforcé la domination masculine. Elle revient ensuite sur les luttes politiques et sociales menées par les femmes dans leurs espaces sociaux avant l'avènement de la colonisation, ainsi que sur la manière dont elles ont tenté de faire face au modèle de domination masculine et coloniale de l'envahisseur. Enfin, elle montre que même si la période post coloniale a accentué l'écart entre les hommes et les femmes, ces dernières n'ont pas pour autant baissé les bras. Des actions ont été menées même si elles ont parfois été méconnues, que ce soit au niveau local, national, ou à l'échelle continentale ; y compris dans le domaine de la production de la pensée. La place de la femme africaine avant la période précoloniale Comprendre la place des femmes africaines dans la société précoloniale permet de saisir le sens du combat qu'elles ont mené contre le modèle occidental qui remettait en cause des acquis que leur conféraient leurs sociétés. Leurs positions sociales étaient justifiées par leur rôle au niveau économique, social et spirituel, mais elles pouvaient être aussi le fruit de luttes âprement menées. Les données sur de grandes figures féminines à travers toute l'Afrique, fournies par les témoignages d'anciens voyageurs et les découvertes d'historiens modernes (Hadiza Djibo 2001) illustrent le rôle de premier plan joué par des femmes remarquables qui ont assumé dans certaines circonstances la direction de leur peuple, notamment dans des luttes entre États africains ou contre les invasions arabes et les conquêtes coloniales. Chez les Songhay, on cite la Reine Weyza, qui selon Boubou Hama (1972) a été mentionnée expressément par Tarickh-el-Fettah, ainsi que deux autres illustres reines : Adama et Koddio, qui se succédèrent au trône de Kokoro (Djibo 2001). Au Mali, Bikoun Kabi, Reine de Sanhaja Nono, aurait régné au milieu du XV e siècle. Au Nigeria, c'est à la Reine Haussa, Amina de Zaria, arrivée au pouvoir en 1476 que l'on doit l'introduction de la noix de cola. À la tête d'une armée de 20000 hommes, elle a mené trente-quatre années de campagne militaire quasi ininterrompues, a annexé plusieurs cités et dominé Kano et Katsina. Cette présence des femmes dans l'espace politique précolonial n'est pas un mythe. Elle est confirmée par le rôle joué par quelques unes, jusqu'au début de la conquête coloniale. En Sierra Leone, en 1787, ce fut la reine Yamacouba qui céda le premier lopin de la presqu'île à une société anglaise. Deux autres femmes signèrent un siècle plus tard, en 1889, des traités analogues. Au Ghana-actuel-la dernière personne à jouer un rôle de chef de résistance contre la conquête britannique, à la fin du XIX e siècle, fut une femme du nom de Yaa Asentewa. Elle prit la place de la reine mère des Ashanti, quand cette dernière, Nan Afrane Kuma, fut déportée avec son fils, Prempeh Ier, en 1896 aux Seychelles. Elle organisa devant la Fatou Sarr 1 Cette famille Tédjek s'est enrichie au cours de son exil au pays de l'or et son long règne lui a permis d'accumuler une fortune et des armes, grâce à des échanges avec les comptoirs français.Ainsi, elle contrôlait un parti militairement puissant et un immense trésor familial.