Papers by Nathalie DUFAYET

Nathalie DUFAYET, 2024
Comme n’importe quel média d’expression et de signification, le cinéma et la série TV sont la sou... more Comme n’importe quel média d’expression et de signification, le cinéma et la série TV sont la source d’un discours et d’un récit ayant pour vocation de reconstituer le réel, non de le reproduire. Cette question de l’illusion analogique se pose de façon particulièrement prégnante dès que nous
pénétrons dans les territoires du policier : en effet, comment raconter une enquête sans en passer par un réalisme descriptif ? Mais qu’en est-il alors quand l’investigation et sa description réaliste entrent à leur tour dans les territoires du fantastique ? Autrement dit, comment concilier réel et surnaturel au sein d’un même espace discursif et narratif, esthétique et phénoménologique ? Comme tant d’autres auteurs avant lui, de Le Fanu à Blackwwood en passant par Lovecraft, Ray et Hodgson, le cinéaste David
Lynch a relevé ce défi et pari en créant début 1990 Twin Peaks : enquête d’un agent spécial du FBI sur l’assassinat d’une adolescente et reine de beauté, dans une ville perdue des Etats-Unis. Cette (en)quête le conduira à des révélations surprenantes sur la nature surnaturelle de cet environnement, en
apparence banal et familier, en réalité fantastique et hostile, car c’est un portail ouvrant sur des « mondes parallèles » peuplés de doubles maléfiques, de fantômes et autres spectres. Surprenant la profession et son public, Lynch opta, avec ses complices Mark Frost et Angelo Badalementi, pour un
média populaire, à la narrativité très codée et aujourd’hui triomphante : la série TV. La série TV qui était à l’époque aussi éloignée du cinéma que le réel l’est du surnaturel. Il s’agira dans cet article d’adopter une perspective transdisciplinaire, au croisement de la sémiologie, de la narratologie, comprise comme une sémiotique narrative structurale, et de ce que
Christian Metz appelait dans les années 1960 la « filmolinguistique » dans son article « Le cinéma : langue ou langage ? ». Article dans lequel il écrivait que « la spécificité du langage du cinéma, c’est la présence d’un langage qui veut se faire art au cœur d’un art qui veut se faire langage ». Nous poserons
donc la question de l’intégration narrative du surnaturel dans le récit descriptif premier de cette enquête policière, laquelle prendra cinq formes : la première sera celle de la puissance du montage, dans la lignée du cinéma expressionniste et soviétique des années 1920-1930 ; la seconde sera celle des éléments verbaux, issus des dialogues ; la troisième celle de l’ordre de type anachronique au sein du temps du récit ; la quatrième et la plus importante celle de l’enchâssement narratif. L’ensemble sera lié
par la musique, musique d’ambiance (extradiégétique) et musique d’écran (intradiégétique). Roland Simon disait à propos du compositeur Maurice Blackburn : « La musique de cinéma atteint le cerveau par les yeux ». Dans le cas de Lynch et de son compositeur Angelo Badalamenti, nous verrons en quoi elle le « démonte », grâce à ces procédés et à ces signes qui (se) constituent in fine en langage. Un langage cinématographique mais aussi poétique, puisque nous toucherons ici au cœur de l’art lynchien, dont il s’agira en résumé d’étudier la richesse de l’expressivité. Pour cela, l’analyse se focalisera sur une seule unité syntagmatique, une seule séquence. Elle sera érigée en parangon du vertige lynchien et des mises en abyme si caractéristiques de son « multivers », au bord voire dans les méandres duquel vont se perdre le détective Dale Cooper et le public, à l’occasion de cette enquête devenue culte sur le meurtre de Laura Palmer.
Nathalie DUFAYET, 2024
Figure-clé de l’anticipation en France, Vincent Villeminot, a inventé un « archipel imaginaire » ... more Figure-clé de l’anticipation en France, Vincent Villeminot, a inventé un « archipel imaginaire » mêlant utopie et dystopie. Notre corpus se compose de romans publiés autour du Confinement, abordés ici comme une sorte de trilogie révélant une théorie typologique des interfaces (contre)utopiques. Ces récits, foncièrement géographiques, reposent sur des réalèmes, contrairement à ce qui est habituellement pratiqué dans le genre. L’auteur, dans la lignée des penseurs de la Renaissance et des Lumières, les prend comme points de départ d’une réflexion sociopolitique sur les espaces archétypiques au centre des récits de la culture orale et de la fantasy. La lecture permet alors une réflexion géocritique car elle sonde l’interaction entre littérature, mythe et espace – humain, naturel et habité.

Nathalie DUFAYET, 2024
Dans la mythologie grecque, il existe un double terrestre des Champs Élysées aux Enfers : les île... more Dans la mythologie grecque, il existe un double terrestre des Champs Élysées aux Enfers : les îles Fortunées, lieu paradisiaque où vont les âmes les plus vertueuses. Des mythographes dont Hésiode, des historiens et géographes dont Hérodote, Strabon et Diodore de Sicile, des poètes dont Homère, Pindare et Horace et des philosophes dont Platon et Aristote ont tenté de les situer. Tantôt entre le littoral égyptien et libyen, tantôt au large de la côte septentrionale de l'Espagne, ce que fit Pline l'Ancien dans son Histoire naturelle, tantôt au large des côtes marocaines, comme le pensait Plutarque en les associant aux Canaries. Peu importe les divergences de géolocalisation de cet espace de toute façon mythopoétique , identifions un point commun : l'éloignement et l'isolement de la géographie insulaire en font un espace survalorisé, idéalisé et caractéristique de la pensée magique et religieuse 2. Espace à part, ce lieu d'habitation ou « oïkos » relève du mythe car il est différent, supérieur, transcendant, sacré. C'est pourquoi il est associé à ses grandes figures : Achille, Médée, le Roi Arthur, sur Avalon. Si l'île est à la marge de la réalité géographique du continent, elle l'est aussi de la réalité sociale et morale. En ce sens, elle est épargnée par nos travers, nos défauts, les sources de notre souffrance. Aussi ne s'étonne-ton pas d'y voir prospérer une existence exempte de vices et échappant à la loi commune de la mortalité : une vie prolongée à l'infini, si ce n'est pour l'éternité 3. Nous reconnaissons alors un autre grand récit culturel : celui du Jardin d'Éden, que la Bible place ab origine de la nouvelle historicité humaine 4. L'île est un lieu idéal, une toile sur laquelle l'homme projette un fantasme de vie désirable, inspiré du réel autant qu'imaginé. Une « (e)utopie » au sens propre des préfixes grecs : lieu de vie bienheureux (« eu-»), qui n'existe pas (« u-»), si ce n'est dans l'imagination des hommes. Les oeuvres investies ici ont été écrites par un auteur français, Vincent Villeminot. Diplômé de Sciences Po Paris et ancien journaliste, cet auteur compte plus d'une trentaine d'ouvrages destinés au public adolescent et young adult dont, dans les années 2010, plusieurs bestsellers...
Roger Bozzetto et Arnaud Huftier, Les Frontières du fantastique . « Approches de l’impensable en littérature », Presses de l’Université de Valenciennes, 2004, 384 pages
Revue de littérature comparée, Feb 28, 2007
Crime fictions . Yale French Studies, n° 108, 2005
Revue de littérature comparée, Feb 28, 2007
Lord Voldemort, « le villain aux mille et un visages »
La Revue des lettres modernes, 2021
Aussi détestable et charismatique que Darth Vader, Voldemort est le véritable objet d'intérêt... more Aussi détestable et charismatique que Darth Vader, Voldemort est le véritable objet d'intérêt du cycle de Harry Potter, qui doit ainsi son succès à son anti-héros plus qu'à son héros. Cette héroïsation et cette séduction du mal résultent d'un piège fictionnel que Rowling tend à ses lecteurs. Nous en étudions ici les rouages, en lien avec le schéma universel des scénarios héroïques défini par Joseph Campbell dans son essai de mythologie comparée, Le Héros aux mille et un visages (1949).
Le temps, le labyrinthe et le fantastique feint
Presses Universitaires de Bordeaux eBooks, 2011
Dans une conférence prononcée à Buenos Aires en 1985, un an avant sa mort, Borges définissait le ... more Dans une conférence prononcée à Buenos Aires en 1985, un an avant sa mort, Borges définissait le temps en ces termes : Ce n’est pas la somme de tous nos hiers. C’est tous nos hiers, tous les hiers de tous les êtres conscients. Tout le passé, ce passé dont on ne sait quand il a commencé. Puis aussi tout le présent. Ce moment présent qui englobe toutes les villes, tous les mondes, tout l’espace entre les planètes. Puis, enfin l’avenir. L’avenir qui ne s’est pas encore réalisé mais qui, néanmoin..
Pompoko, une all�gorie politique mythe local et urgence mondiale
Raison publique, 2012
La Terreur des 'Maîtres du temps' fantastiques

Le temps recommencé : fictions du mythe et écritures fantastiques dans les oeuvres de Gautier, Kafka, Ray, Lovecraft, Tolkien et Borges
L'apprehension moderne du temps se vide de ses attributs traditionnels : le sacre et la trans... more L'apprehension moderne du temps se vide de ses attributs traditionnels : le sacre et la transcendance. Les anciennes reponses des oeuvres mythiques a l'angoisse de la fin et au fantasme de victoire sur l'entropie et sur la mort sont rejetees : le temps circulaire, l'immortalite et l'eternite. Mais ces phenomenologies revolues "ci-gissent" dans le fantastique moderne, notamment chez Gautier, Kafka, Ray, Lovecraft, Tolkien et Borges. Sauf pour Tolkien, ces cadavres sacres sont des moyens et non des fins grâce auxquels ils initient une priorite et une tradition esthetiques communes : faire valoir notre plaisir a imaginer l'existence reecrite autrement. Tous organisent ainsi un renouvellement du temps et, par la, une resistance de l'imaginaire face aux derives de la pensee nee de la nouvelle fascination pour la rationalite, la materialite et la linearite ; le tout en reecrivant les mythes puis leurs evolutions ulterieures, les metaphysiques.
Le temps, le labyrinthe et le fantastique feint
L’Imaginaire du temps dans le fantastique et la science-fiction, 2011
Dans une conférence prononcée à Buenos Aires en 1985, un an avant sa mort, Borges définissait le ... more Dans une conférence prononcée à Buenos Aires en 1985, un an avant sa mort, Borges définissait le temps en ces termes : Ce n’est pas la somme de tous nos hiers. C’est tous nos hiers, tous les hiers de tous les êtres conscients. Tout le passé, ce passé dont on ne sait quand il a commencé. Puis aussi tout le présent. Ce moment présent qui englobe toutes les villes, tous les mondes, tout l’espace entre les planètes. Puis, enfin l’avenir. L’avenir qui ne s’est pas encore réalisé mais qui, néanmoin..
La Terreur des 'Maîtres du temps' fantastiques
Lord Voldemort, « le villain aux mille et un visages »
Aussi détestable et charismatique que Darth Vader, Voldemort est le véritable objet d'intérêt... more Aussi détestable et charismatique que Darth Vader, Voldemort est le véritable objet d'intérêt du cycle de Harry Potter, qui doit ainsi son succès à son anti-héros plus qu'à son héros. Cette héroïsation et cette séduction du mal résultent d'un piège fictionnel que Rowling tend à ses lecteurs. Nous en étudions ici les rouages, en lien avec le schéma universel des scénarios héroïques défini par Joseph Campbell dans son essai de mythologie comparée, Le Héros aux mille et un visages (1949).
Quand Lovecraft et Tolkien réinventent le signe lunaire
La littérature dépliée
L’objet de cette réflexion est d’étudier comment Tolkien, pour la fantasy cosmique, et Lovecraft,... more L’objet de cette réflexion est d’étudier comment Tolkien, pour la fantasy cosmique, et Lovecraft, pour le fantastique cosmique, ont pratiqué une même opération sur le signe lunaire dans le but de configurer au mieux leur « monde » imaginaire et leur « mythologie » artificielle respectifs. Mais avant, encore faudra-t-il décrire comment ils ont su transformer à la fois la « lune » que nous connaissons dans la réalité et celle que nous connaissons à travers les traditions magico-religieuses, aux..

Le temps recommencé : fictions du mythe et écritures fantastiques dans les oeuvres de Gautier, Kafka, Ray, Lovecraft, Tolkien et Borges
Http Www Theses Fr, 2007
L'apprehension moderne du temps se vide de ses attributs traditionnels : le sacre et la trans... more L'apprehension moderne du temps se vide de ses attributs traditionnels : le sacre et la transcendance. Les anciennes reponses des oeuvres mythiques a l'angoisse de la fin et au fantasme de victoire sur l'entropie et sur la mort sont rejetees : le temps circulaire, l'immortalite et l'eternite. Mais ces phenomenologies revolues "ci-gissent" dans le fantastique moderne, notamment chez Gautier, Kafka, Ray, Lovecraft, Tolkien et Borges. Sauf pour Tolkien, ces cadavres sacres sont des moyens et non des fins grâce auxquels ils initient une priorite et une tradition esthetiques communes : faire valoir notre plaisir a imaginer l'existence reecrite autrement. Tous organisent ainsi un renouvellement du temps et, par la, une resistance de l'imaginaire face aux derives de la pensee nee de la nouvelle fascination pour la rationalite, la materialite et la linearite ; le tout en reecrivant les mythes puis leurs evolutions ulterieures, les metaphysiques.
Pompoko, une all�gorie politique mythe local et urgence mondiale
Raison publique, 2012

Ponyo sur la falaise : le testament mythopoétique de Hayao Miyazaki
Strenae, 2015
Hayao Miyazaki est le maitre inconteste de la fantasy animee depuis le milieu des annees 1980 et ... more Hayao Miyazaki est le maitre inconteste de la fantasy animee depuis le milieu des annees 1980 et la fondation du Studio Ghibli, qu’il a cree avec le realisateur Isao Takahata et le producteur Toshio Suzuki. Primee a de nombreuses reprises a l’echelle internationale depuis une quinzaine d’annees, son œuvre est assurement l’une des plus belles expressions du merveilleux moderne, que le mangaka envisage systematiquement au croisement de l’ecriture et de la reecriture. Son art du conte se fonde en effet tout a la fois sur l’invention d’« autres mondes » imaginaires, sur l’intertextualite litteraire et sur la reinvention perpetuelle du folklore shintoiste et plus largement de la culture mythique universelle. Sorti sur les ecrans nippons en 2009, le long-metrage initialement destine a la jeunesse Ponyo sur la falaise serait, outre son ultime chef d’œuvre faerique, la synthese de cette vision singuliere de la creation fictionnelle. D’ou sa dimension testamentaire et metafictionnelle, que cette contribution se propose d’etudier.
Le nouveau pays des merveilles. Héritage et renouveau du merveilleux dans la culture de jeunesse contemporaine
Les medias pour la jeunesse continuent de facon massive, quinze ans apres les debuts du « phenome... more Les medias pour la jeunesse continuent de facon massive, quinze ans apres les debuts du « phenomene Harry Potter », a arpenter les territoires du merveilleux. Les innombrables variations sur cet « imaginaire » surnaturel inspire des contes et des mythes constituent sans doute la face la plus visible aupres du grand public de l’importante croissance du secteur editorial des livres pour la jeunesse et de leurs declinaisons durant cette meme periode. Certes, l’association entre enfance et mervei...
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pénétrons dans les territoires du policier : en effet, comment raconter une enquête sans en passer par un réalisme descriptif ? Mais qu’en est-il alors quand l’investigation et sa description réaliste entrent à leur tour dans les territoires du fantastique ? Autrement dit, comment concilier réel et surnaturel au sein d’un même espace discursif et narratif, esthétique et phénoménologique ? Comme tant d’autres auteurs avant lui, de Le Fanu à Blackwwood en passant par Lovecraft, Ray et Hodgson, le cinéaste David
Lynch a relevé ce défi et pari en créant début 1990 Twin Peaks : enquête d’un agent spécial du FBI sur l’assassinat d’une adolescente et reine de beauté, dans une ville perdue des Etats-Unis. Cette (en)quête le conduira à des révélations surprenantes sur la nature surnaturelle de cet environnement, en
apparence banal et familier, en réalité fantastique et hostile, car c’est un portail ouvrant sur des « mondes parallèles » peuplés de doubles maléfiques, de fantômes et autres spectres. Surprenant la profession et son public, Lynch opta, avec ses complices Mark Frost et Angelo Badalementi, pour un
média populaire, à la narrativité très codée et aujourd’hui triomphante : la série TV. La série TV qui était à l’époque aussi éloignée du cinéma que le réel l’est du surnaturel. Il s’agira dans cet article d’adopter une perspective transdisciplinaire, au croisement de la sémiologie, de la narratologie, comprise comme une sémiotique narrative structurale, et de ce que
Christian Metz appelait dans les années 1960 la « filmolinguistique » dans son article « Le cinéma : langue ou langage ? ». Article dans lequel il écrivait que « la spécificité du langage du cinéma, c’est la présence d’un langage qui veut se faire art au cœur d’un art qui veut se faire langage ». Nous poserons
donc la question de l’intégration narrative du surnaturel dans le récit descriptif premier de cette enquête policière, laquelle prendra cinq formes : la première sera celle de la puissance du montage, dans la lignée du cinéma expressionniste et soviétique des années 1920-1930 ; la seconde sera celle des éléments verbaux, issus des dialogues ; la troisième celle de l’ordre de type anachronique au sein du temps du récit ; la quatrième et la plus importante celle de l’enchâssement narratif. L’ensemble sera lié
par la musique, musique d’ambiance (extradiégétique) et musique d’écran (intradiégétique). Roland Simon disait à propos du compositeur Maurice Blackburn : « La musique de cinéma atteint le cerveau par les yeux ». Dans le cas de Lynch et de son compositeur Angelo Badalamenti, nous verrons en quoi elle le « démonte », grâce à ces procédés et à ces signes qui (se) constituent in fine en langage. Un langage cinématographique mais aussi poétique, puisque nous toucherons ici au cœur de l’art lynchien, dont il s’agira en résumé d’étudier la richesse de l’expressivité. Pour cela, l’analyse se focalisera sur une seule unité syntagmatique, une seule séquence. Elle sera érigée en parangon du vertige lynchien et des mises en abyme si caractéristiques de son « multivers », au bord voire dans les méandres duquel vont se perdre le détective Dale Cooper et le public, à l’occasion de cette enquête devenue culte sur le meurtre de Laura Palmer.