L'Imtheacht na Tromdhaimhe (littéralement Le départ de la grande école des poètes) est un texte satirique irlandais en prose, composé en moyen irlandais tardif. Les spécialistes le datent du tout début du XVIIᵉ siècle, probablement autour...
moreL'Imtheacht na Tromdhaimhe (littéralement Le départ de la grande école des poètes) est un texte satirique irlandais en prose, composé en moyen irlandais tardif. Les spécialistes le datent du tout début du XVIIᵉ siècle, probablement autour de 1614-1616. Il a été écrit par Tuathal mac Máirtín, poète gaélique du Connacht, qui tournait en dérision le monde des bardes. L'Imtheacht na Tromdhaimhe est un des récits parvenus jusqu'à nous illustrant le mieux le pouvoir moral et social de la parole publique, donc de la responsabilité de ceux qui y ont recours, dans la société celtique médiévale, voire avant . L' Imtheacht Tromdhaimhe est une pièce de la littérature irlandaise médiévale, composée probablement entre le XIVᵉ et le XVIᵉ siècle, à la fois satirique, mythologique et symbolique, qui stigmatise (pour utiliser un terme à la mode) le rôle des bardes ou des poètes (on dirait aujourd'hui des intellectuels des journalistes ou des influenceurs) dans la société irlandaise de l'époque. La formule qu'emploie pour les qualifier Marban, le demi-frère du roi Guaire, est sans équivoque en effet à ce sujet: « a cliar udmhall ainbhfheasach!» (bande de fainéants ignorants!) célèbres bardes, qu'il n'a pas l'air d'apprécier (une conséquence de la christianisation avancée du pays depuis le synode de Drum-Cetta en 575, peut-être ?). Le fait est que cette histoire, qui tient aussi par moment du conte de fée à la façon des frères Grimm ou de Rabelais, ne nous les montre pas sous un jour très favorable et en fait plutôt les modèles mêmes du pique-assiette,sans gêne, capricieux et imbu de sa personne. N'hésitant pas à recourir aux menaces pour satisfaire le moindre de leurs desiderata. Mais ils finiront par être punis par là où ils ont péché, pris à leur propre jeu par un saint ermite appelé Marban,demi frère de leur dernière, victime (ce qui nous vaudra par contre la redécouverte de la plus extraordinaire des sagas d'Occident, d'extrême Occident, la Tain Bô Cuailnge, ou vol du bétail de Cooley, et de son personnage central, le Hésus Sétanta Cuchulainn; ce qui justifie amplement à nos yeux que l'on en fasse donc une traduction ou adaptation, in extenso, ou presque). D'Arbois de Jubainville qualifie de «chrétienne» cette version de l'histoire, parce qu'on y mentionne beaucoup de saints ou de mythes bibliques, mais il y demeure maintes choses fort curieuses, comme la mention de la Dhamhma ingen Iubddain, do leannan cumachtach fein, qui fait irrésistiblement penser à une fée, une bonne fée, en tout cas à une créature dotée de pouvoirs surnaturels (cumachtach). En outre Marban le demi frère du roi Guaire y possède apparemment un sanglier blanc dont les pouvoirs eux aussi sortent de l'ordinaire. Un bien curieux personnage au demeurant que ce Marban, à se demander s'il n'a pas pris la place d'un ancien dieu de l'abondance du paganisme celtique de l'Irlande pré-chrétienne. Comme quand on a rebaptisé saint Barrind ou Barinthus le Bélénos, ou le Taran/Toran/Tuireann, adoré à Man ( Manannan mac Lir). Il assume en tout cas le rôle de briuga ou briugu de son demi-frère le roi Guaire, c'est-à-dire du non noble mais gros propriétaire terrien chargé de nourrir et d'héberger les hôtes ou les invités de son maître. Son arme ultime ou de destruction massive à lui est la geis qu'il utilisera pour mettre fin aux satires abusives de la gent bardique. Ci-dessous la définition qu'en donna jadis mon vieux maître Christian-Joseph Guyonvarc'h dans l'ouvrage qu'il a cosigné avec Françoise Le Roux, intitulé « Les druides» (1986). «Injonction, obligation, interdit». Le sens initial est celui d'une «incantation» basée sur le pouvoir de la parole.... Le substantif irlandais féminin geis, pluriel geasa, a plusieurs sens qui s'inscrivent tous dans le même champ d'utilisation : 1. négativement : «interdiction religieuse ou légale», 2. positivement : «injonction ou exigence», 3. magiquement : «charme, incantation». Faute d'un terme adéquat rendant à la fois les caractères positifs et négatifs de l'injonction, nous traduirons donc geis par «interdit», le côté négatif du sens étant le plus fréquent...Les textes mythiques ou légendaires décrivent avant tout des cas de non-respect de ces interdits... La geis n'est cependant pas le fatum ou «destin» souvent malheureux des Latins. Elle n'est pas d'origine humaine puisque le druide qui l'impose agit en tant que représentant des puissances divines et elle n'est dangereuse que si elle est violée. Elle n'est pas inéluctable... La traduction de gels par «tabou» est à proscrire : le tabou n'est pas une notion indo-européenne et son aspect uniquement négatif est en contradiction avec le sens souvent positif du mot irlandais. Mais venons-en maintenant à notre histoire à notre récit ou à notre fable, ou du moins de ce que nous en avons compris, car nombre de passages en gaélique et notamment ceux en vers ( les lais ou poèmes) nous ont laissé perplexes. Vu les conditions de transmission de cette littérature, orale avant d'être mise par écrit, il arrive en effet fréquemment en effet que dans les manuscrits parvenus jusqu'à nous, coexistent différents niveaux linguistiques. Le terme fidat (qui signifie «ortie» dans un état antérieur de la langue) n'étant plus compris par ses contemporains, le scribe ou le copiste a par exemple jugé nécessaire de le gloser par un terme plus connu à son époque, «neanntog», d'où la curieuse formule «fidat .i. in neanntog», «fidat, c'est-à-dire ortie», alors que fidat signifiait déjà «ortie» en gaélique. Le phénomène est encore plus vrai s'agissant des parties en prose et des parties en vers, les parties en prose n'étant souvent qu'une réécriture en une langue plus moderne des parties en vers qui commençaient à ne plus être comprises même par des irlandais (leçon de mon maître en la matière, Christian-Joseph Guyonvarc'h). Un rapide survol des textes parvenus jusqu'à nous nous montre donc, subsistant dans le texte, des éléments très archaïques plus ou moins modernisés, un peu à la façon dont sont revisitées aujourd'hui par les auteurs dé-coloniaux les différentes histoires nationales des pays occidentaux . Ces éléments divers ont été cousus ou fondus en un seul récit mais des traces de montage, de faux raccords ou d'erreurs de continuité (comme dans les films) subsistent.