Recherche effectuée et présentée avec Hervé Laurent. English follows. En 1973, P.-L. Pelet livre le premier des trois volumes de "Fer Charbon Acier dans le Pays de Vaud". Cet ouvrage fondateur traitant de la fabrication du fer brut par...
moreRecherche effectuée et présentée avec Hervé Laurent.
English follows.
En 1973, P.-L. Pelet livre le premier des trois volumes de "Fer Charbon Acier dans le Pays de Vaud". Cet ouvrage fondateur traitant de la fabrication du fer brut par le procédé direct dans un petit secteur du massif du Jura contient des résultats d’analyses radiocarbone qui inaugurent la longue série de dates accumulées au cours des décennies suivantes dans les cantons de Berne, du Jura et de Vaud en Suisse et dans les régions Grand Est et Bourgogne Franche-Comté en France. Totalement inattendu au départ, le haut Moyen Âge (tout particulièrement la période mérovingienne) y fait preuve d’un dynamisme aujourd’hui reconnu sur l’ensemble de ce vaste espace où la production se répartit entre des zones de production intense et, dans une moindre mesure, des ateliers isolés. Ces concentrations de zones sidérurgiques posent de sérieuses questions sur les dynamiques de l’organisation de la production pour tout le premier Moyen Âge, notamment dans la manière dont elles s’insèrent dans les rapports fonciers et les systèmes de domanialité relatifs à ces espaces. À ce titre, les travaux de Gérard Chouquer sur la Bourgogne offrent un éclairage fort pertinent sur la distribution des fiscs. Par exemple, la zone de production de Berthelange ne semble pas relever du fisc, mais plutôt des autorités comtales et épiscopales, alors qu’ailleurs, en Lombardie et en Bavière d’importants districts sidérurgiques étaient bien contrôlés par les fiscs ou monastères impériaux, comme l’ont démontré Maria Elena Cortese et Mathias Hensch. Les résultats de l’étude des rapports fonciers dans lesquels s’insèrent les zones de production sidérurgique appellent donc à considérer les dynamiques de domanialité sur les droits miniers. Nous explorons ainsi deux hypothèses, celle de monopoles royaux concédés à des fidèles et celle d’une pluralité des formes dont l’emboîtement hiérarchique demeure imparfait. Pour explorer ces questions, il est nécessaire d’élargir l’aire géographique considérée à l’ensemble de l’Europe. L’analyse des quelque vingt attestations de droits miniers datant du premier Moyen Âge milite pour la seconde interprétation. En effet, si la prévalence des intérêts fiscaux est manifeste, et ce, depuis le VIe siècle, les VIIIe-IXe siècles offrent des témoignages indéniables de droits tenus par des particuliers ou encore par l’aristocratie, sans que l’on puisse déceler des traces de concessions fiscales. Au terme de ces regards croisés, il ressort des dynamiques variées qui contredisent l’image misérabiliste d’une production du fer localisée et effectuée à temps partiel par des artisans-paysans, mais aussi qui nuancent l’image centralisatrice héritée de l’historiographie sur l’économie domaniale.
Abstract:
In 1973, P.-L. Pelet published the first of three volumes of Fer Charbon Acier dans le Pays de Vaud (Iron, Coal and Steel in the Vaud Region). This seminal work on the production of raw iron using the direct process in a small area of the Jura mountains contains the results of radiocarbon analyses that marked the beginning of a long series of dates accumulated over the following decades in the cantons of Bern, Jura and Vaud in Switzerland and in the Grand Est and Bourgogne Franche-Comté regions of France. Completely unexpected at the outset, the early Middle Ages (particularly the Merovingian period) reveal a dynamism that is now recognised throughout this vast area, where production is divided between areas of intense production and, to a lesser extent, isolated workshops. These concentrations of ironworking areas raise serious questions about the dynamics of production organisation throughout the early Middle Ages, particularly in terms of how they fit into the land tenure and domain systems relating to these areas. In this regard, Gérard Chouquer’s work on Burgundy offers highly relevant insights into the distribution of fiscal authorities. For example, the Berthelange production area does not appear to have been under the control of the fisc, but rather of the count and episcopal authorities, whereas elsewhere, in Lombardy and Bavaria, large ironworking districts were indeed controlled by the fisc or imperial monasteries, as demonstrated by Maria Elena Cortese and Mathias Hensch. The results of the study of land tenure relationships in areas of steel production therefore call for consideration of the dynamics of state ownership of mining rights. We thus explore two hypotheses: that of royal monopolies granted to loyal subjects, and that of a plurality of forms whose hierarchical interlocking remains imperfect. To explore these questions, it is necessary to broaden the geographical area under consideration to include the whole of Europe. An analysis of some twenty attestations of mining rights dating from the early Middle Ages supports the second interpretation. Indeed, while the prevalence of fiscal interests is evident from the 6th century onwards, the 8th and 9th centuries offer undeniable evidence of rights held by individuals or even by the aristocracy, without any trace of fiscal concessions. At the end of these exchanges, a variety of dynamics emerge that contradict the pessimistic image of local iron production carried out part-time by artisan farmers, but also nuance the centralising image inherited from historiography on the manorial economy.