Contemporary French Literature

À quoi l’artiste ou l’écrivain, ou le poète, est-il déloyal en s’emparant de la Révolution française ? Quel ordre de la loi ne respecte-t-il pas en faisant preuve d’imagination non bridée ? Ce dernier est possiblement déloyal envers la critique historienne – c’est-à-dire aux historiens, à l’Histoire – posait Patrick Boucheron en 2016. En réalité, ce n’est pas le seul type de déloyauté dont peuvent faire preuve les artistes qui prétendent faire de
l’histoire, à leur manière, différemment que les historiens, et parfois avec l’aide de certains d’entre eux, comme Sophie Wahnich ou Guillaume Mazeau. Je vais donc tenter de débroussailler ce concept critique de « déloyauté » en le faisant varier selon le type de critiques auquel on peut le confronter, d’hier à aujourd’hui, et en suivant le chemin de fer des œuvres abordées au cours du colloque de 2024. Ce qui justifie cette démarche est l’une des visées énoncées par la note d’intention de celui-ci : la volonté de confronter le travail de l’historien professionnel avec celui de l’artiste et/ou de l’écrivain.
What disloyalty in the face of what historical imaginary ? Critical review of the conference "Imagining the French Revolution (1830-2024) ; To do history without being an historian? ».
Un compte-rendu critique du colloque « Imaginer la Révolution française (1830-2024) » organisé à Paris-Cité est l’occasion d’une réflexion historiographique sur la notion de « déloyauté » en matière d’usages de tous types de matériaux historiques hors de la sphère scientifique, en littérature, cinéma, et bandes dessinées.

50 objets racontent une journée dans la vie d'un campement préhistorique (Paléolithique supérieur) Est proposée ici la reconstitution d'un campement occupé il y a 18 000 à 16 000 ans, pendant le Tardiglaciaire, au moment d'un des derniers épisodes de froid de la dernière glaciation qui a sévi dans toute l'Eurasie. Je me suis appuyée sur les connaissances acquises ces dernières années. Le campement fictif dans lequel l'action se passe ne correspond à aucun site archéologique réel, mais il s'inspire de plusieurs sites différents, il est ainsi tout à fait plausible. Il va de soi qu'il entre dans cette reconstitution une part d'imagination étant donné que tous les vestiges ne se conservent pas. Nous pouvons ainsi estimer le nombre d'habitants dans une tente et dans un campement, sans savoir cependant qui y vivait et sans connaître le lien de parenté entre les occupants puisque leurs restes ne nous sont pas parvenus. De même, les vestiges au sol permettent dans une certaine mesure de retrouver les activités qui s'y déroulaient mais il est très difficile de savoir précisément qui faisait quoi. Nous avons en tout cas veillé à ce que ce récit d'une journée d'automne dans un campement préhistorique quelque part dans le grand Sud-Ouest de la France d'alors entre dans les limites de la vraisemblance.
50 objects recount a day in the life of a prehistoric camp (Upper Palaeolithic) This is a reconstruction of a camp occupied between 18,000 and 16,000 years ago, during the Late Glacial period, at the time of one of the last cold spells of the last ice age, which affected the whole of Eurasia. I have drawn on the knowledge acquired in recent years. The fictional camp in which the action takes place does not correspond to any real archaeological site, but it is inspired by several different sites, making it entirely plausible. It goes without saying that this reconstruction involves a degree of imagination, given that not all the remains have been preserved. We can therefore estimate the number of inhabitants in a tent and in a camp, without knowing who lived there or the family relationships between the occupants, as their remains have not survived. Similarly, the remains on the ground allow us to reconstruct to a certain extent the activities that took place there, but it is very difficult to know precisely who did what. In any case, we have taken care to ensure that this account of an autumn day in a prehistoric camp somewhere in the south-west of France at that time remains within the bounds of plausibility.

êtes et révisions d’enquêtes closes depuis l’antiquité, procès fictifs, réécritures de classiques, recours à la cartomancie, livres-Talmud, livres dont vous êtes le héros, fictions et autres thrillers théoriques, essais en tous genres mais aussi jeux de rôles, performances, créations numériques  : le magasin d’accessoires des études littéraires frappe aujourd’hui par sa profusion et sa bigarrure. En un mouvement d’ailleurs partagé avec d’autres sciences sociales , la recherche en lettres se trouve tentée, happée par ces pratiques créatives dont il s’agissait hier, et sans doute aujourd’hui encore quoiqu’autrement, de faire « science ». On ne se risquera pas, pour autant, à postuler ici un énième « tournant » épistémologique, geste trop exposé aux sorties de routes lorsqu’il se rapporte au présent. De ces formes créatives de la critique et de la théorie littéraires contemporaines, il faudrait plutôt dresser la carte, et répéter, varier ce geste , tant ces formes échappent aux tentatives de définition ou de catégorisation qui en briseraient l’élan dans le mouvement même d’en caractériser les traits. Au sommaire de cet atlas qu’on peut rêver  : Carte des « courants » petits et grands, de leurs généalogies, emprunts et précédents ; Carte des énonciations et des registres ; Carte des genres, formes, dispositifs ; Carte des supports et des typographies ; Carte éditoriale des « maisons » indépendantes ou non, anciennes ou non, universitaires ou non, présentant des collections dédiées ou non etc. ; Carte des pédagogies (lieux et méthodes) ; Carte des financements et des subsistances ; Carte des métadiscours, d’engouements et d’allergies, etc., etc. De ce dossier, le projet est toutefois plus modeste ou préparatoire. Il propose une vue, moins aérienne que street view, de ce qui se fabrique dans un département universitaire, non sans communiquer (comme on dit de pièces et de passages) avec d’autres disciplines, d’autres universités, d’autres espaces sociaux. Point encore d’atlas, mais un ensemble composite d’outils, de méthodes, d’expériences et autres coups de sonde dont la réunion, on l’espère, pourra servir de kit de démarrage ou de dépannage (tous niveaux) pour qui voudrait se frotter à cette indiscipline .

L'oeuvre de Gérard Macé ne cesse de mobiliser le cinéma et de constituer, à travers des genres divers, un autoportrait en cinéphile. À travers ces éclats de films, sollicités selon les caprices de la mémoire, il reconstitue une archéologie du cinéma, retrouvant en lui non seulement un temps premier du cinéma, qui désajuste l'histoire des arts, avec ses revenants et ses fantômes, mais aussi un temps intime antérieur, en mobilisant le cinéma comme une machine à explorer le psychisme. C'est donc une expérience de spectateur cinéphile, dérivant dans une histoire élargie du cinéma, qui est ici élaborée, en retrouvant dans cette alliance de disponibilité et de maîtrise quelque chose du geste littéraire même.

Cinquante ans après sa publication originale en 1967, le témoignage d'Ernst Israël Bornstein La longue nuit est enfin disponible en français, dans la traduction de Colin Reingewirtz, aux éditions Hermann. L'auteur, médecin dentiste juif d'origine polonaise ayant vécu en Allemagne après la guerre, a écrit son témoignage de déportation Die lange Nacht dans les années 1950, sur exhortation d'un de ses professeurs d'université, Max Mikorey, qui en a écrit la préface, même si la publication n'est arrivée que dix ans après. Il demeure l'un des premiers textes sur la Shoah publiés en allemand et sans doute parmi les premiers en Europe.

Dans l'article « Cibernetica e fantasmi » (1967) Italo Calvino imaginait un système automatique capable d'inventer des histoires : le critère combinatoire y apparaissait déjà comme critère d'agencement des éléments narratifs. Quelques années après, lors de sa participation réunions de l'Oulipo et après sa rencontre avec Georges Perec, la passion combinatoire le prend. Les deux écrivains mèneront dès lors une recherche narrative parallèle, aussi bien dans une approche expérimentale, illustrée par leurs contributions aux travaux du groupe (comme l'article calvinien « Prose et anticombinatoire », dans l'Atlas de littérature potentielle de 1981), que dans une approche plus littéraire aboutissant à la création de leurs hyper-romans (Château des destins croisés, La vie mode d'emploi, Si par une nuit d'hiver). En suivant le fil rouge de ces expériences, d'un côté comme de l'autre, on pourra plonger dans la production plus tardive de Calvino et de Perec, pour y déceler les traces, bien visibles, de leur passion combinatoire commune.

0. Considérations préalables Dans l'univers romanesque de Patrick Modiano, très lié à la ville de Paris 1 , les personnages venant d'ailleurs, originaires d'autres contrées et présentant donc le statut d'étrangers, de réfugiés ou d'immigrés, abondent. On le sait. De nombreuses études ont été consacrées à ces « hors-venus » 2 installés en territoire français, à ces figures nomades, décalées dans des milieux parfois hostiles et n'appartenant pas à un groupe social ou familial déterminé 3. Or, cet article ne s'intéressera pas exclusivement à l'extranéité des figures qui peuplent la fiction modianienne, mais surtout à l'effet d'étrangeté qu'elles produisent à autrui, au double niveau, intra aussi bien qu'extradiégétique. Et ce, à partir de plusieurs constatations. En premier lieu, la nécessité de « dévoiler » le secret de l'autre que démontrent les personnages modianiens, étant donné la face cachée qu'ils gardent tous, non seulemen...

0. Considérations préalables Dans l'univers romanesque de Patrick Modiano, très lié à la ville de Paris 1 , les personnages venant d'ailleurs, originaires d'autres contrées et présentant donc le statut d'étrangers, de réfugiés ou d'immigrés, abondent. On le sait. De nombreuses études ont été consacrées à ces « hors-venus » 2 installés en territoire français, à ces figures nomades, décalées dans des milieux parfois hostiles et n'appartenant pas à un groupe social ou familial déterminé 3. Or, cet article ne s'intéressera pas exclusivement à l'extranéité des figures qui peuplent la fiction modianienne, mais surtout à l'effet d'étrangeté qu'elles produisent à autrui, au double niveau, intra aussi bien qu'extradiégétique. Et ce, à partir de plusieurs constatations. En premier lieu, la nécessité de « dévoiler » le secret de l'autre que démontrent les personnages modianiens, étant donné la face cachée qu'ils gardent tous, non seulemen...

Tous droits réservés © La revue Séquences Inc., 2020 Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de

Après Papa, Régis Jauffret poursuit ses incursions dans la mémoire parentale avec Maman. L'entretien révèle un écrivain confronté simultanément aux secrets familiaux et aux bouleversements technologiques qui remettent en question l'acte même d'écrire. Entre révélations posthumes sur une mère au double visage et interrogations sur l'avenir de la littérature face à l'intelligence artificielle, Jauffret explore les territoires où l'authenticité humaine résiste encore aux algorithmes.

There is an emerging trend of twenty-first-century French novels that depict
precarity as a means of deserting neoliberal capitalism entirely and creating
autonomous forms of community. Of these texts, Les Renards pâles (2013) by Yannick Haenel is notable for its intersectional examination of poverty, colonialism, and identity. The novel’s narrator joins the Renards pâles, a revolutionary, anti-identarian groupuscule whose members, regardless of their ethnic or cultural background, identify as Black, African, and Dogon. From this universalized minority position, they connect their struggle with the repressed history of French colonialism, sparking a reparatory revolution intended to destroy both French society and all forms of identity. I elucidate the novel’s anarchist politics, placing them under the rubric of destituent power. I demonstrate how its radical politics involve taking up universalism as a means to completely abolish all identarian categories. I argue, however, that the novel lacks a sustained attention to the specificities of the various minority social positions with which it tarries. Focusing specifically on its claim to Blackness as a means to a revolutionary end, I assert that Les Renards pâles anti-identarian proposition risks reproducing the schemas it seeks to desert.

Un texte à propos de la trilogie que l'artiste Gaëlle Boucand a consacré à son grand-père. Voici le début du texte: "Dans l’une des dernières séquences du film tourné par Gaëlle sur son grand-père, elle embarque l’un des adolescents qui participe au tournage dans les montagnes suisses. Il y croise un renard qu’il suit le temps de quelques plans. Le grand-père de Gaëlle parle souvent des renards qui rentrent par effraction dans sa maison, attirés par le poulailler qu’il y a fait installer. Je pense aux histoires que je lis à ma petite fille, dans lesquelles il y a souvent un renard qui marche « à pas feutrés », expression qui l’étonne toujours un peu, dont elle sent bien qu’elle signale un danger mais aussi une forme de présence étonnamment douce et discrète."

Ironic detective is a relatively new genre in literature. Its development dates back to the middle of the twentieth century and continues up to the present days. The final crystallization of the genre is taking place in our time. The works of Polish author Joanna Chmielewska became one of the first examples of ironic detective stories. However, the French literature of the twentieth century also has notable representatives of the genre. The present article examines the peculiarities of the irony functioning in the detective genre, in the context of the work of the popular modern French writer Daniel Pennac. We distinguish irony as a means of comic and as a principle of work organization, which is inherent in the genre of ironic detective. Consideration of the ironic detective is impossible without a brief analysis of the detective development stages as a whole, therefore, the article also deals with the genesis of the detective genre from the classic to the French novel-noir. The em...

Résumé
Tssitssi examine l’effondrement psychique d’Hélène, adolescente qui se crée l’alter ego « Tssitssi » pour échapper à sa condition sociale et se lance dans la prostitution via des sites de rencontres pour financer ses fantasmes de luxe. Claire Castillon déploie une architecture narrative sophistiquée articulant temporalité fragmentée, focalisation variable et expérientialité sensorielle pour traduire la dissociation traumatique. Cette fragmentation formelle révèle une dimension sociologique profonde en matérialisant l’impact des traumatismes sociaux sur la conscience adolescente contemporaine.
L’œuvre développe simultanément une critique des mécanismes de domination genrée et de marchandisation des corps, où les réseaux sociaux deviennent des accélérateurs de crise identitaire. Le roman fonctionne comme un laboratoire d’exploration de situations limites tout en évitant les écueils du voyeurisme grâce à une approche éthique qui transforme la représentation de la violence en expérience esthétique signifiante, révélant la persistance d’une fonction cognitive et réparatrice de la littérature contemporaine.
ABSTRACT
Tssitssi examines the psychological collapse of Hélène, a teenager who creates the alter ego Tssitssi to escape her social condition and engages in prostitution through dating websites to finance her luxury fantasies. Claire Castillon deploys a sophisticated narrative architecture that articulates fragmented temporality, variable focalization, and sensory experientiality to convey traumatic dissociation. This formal fragmentation reveals a profound sociological dimension by materializing the impact of social traumas on contemporary adolescent consciousness. The work simultaneously develops a critique of mechanisms of gendered domination and bodily commodification, where social media networks become accelerators of identity crisis. The novel functions as a laboratory for exploring extreme situations while avoiding the pitfalls of voyeurism through an ethical approach that transforms the representation of violence into meaningful aesthetic experience, revealing the persistence of a cognitive and reparative function in contemporary literature

À partir d’un corpus varié d’auteurs français plaçant leurs préférences filmiques au principe même de leur créa-tion (Tanguy Viel, Éric Rondepierre, Olivia Rosenthal, Sandra Moussempès, Véronique Pittolo et Jerôme Game), cet article s’interroge sur quelques formes d’une cinéphilie contemporaine d’écrivain et questionne plus parti-culièrement la démarche consistant à collectionner tout ou partie de certains films élus. Il montrera qu’une telle pratique s’inscrit dans un phénomène plus large d’appropriation spectatorielle, caractéristique de notre époque,et de nouvelles manières de visionner les films qui entrent en conflit avec le dispositif de la séance de cinéma, mais qu’elle inspire aussi aux écrivains des formes singulières pour articuler l’intime au collectif en réfléchissant à la trace que les films impriment dans leurs vies.

Publié dans RELIEF – Revue électronique de littérature française, Vol. 19, no 1 : « Le goût à l’épreuve. Métamorphoses de la cinéphilie littéraire », dir. Fabien Dubosson et Maaike Koffeman, juillet 2025.

STUDIA UBB PHILOLOGIA, Volume 70 (LXX), No. 1, March 2025
ISSUE DOI: 10.24193/subbphilo.2025.1

SPECIAL ISSUE: Nouvelles formes et pratiques de l’écriture de soi : l’autothéorie et la transbiographie

Guest Editors: Diana Mistreanu and Andrei Lazar
DOI: https://doi.org/10.24193/subbphilo.2025.1
Published: 2025-03-25

Cet article propose une lecture cognitivo-anthropologique de deux textes autobiographiques centrés sur l’enfance et appartenant à la Grande Région – un espace de coopération transnationale regroupant le Grand-Duché de Luxembourg et ses territoires frontaliers belge (la Wallonie), français (la Lorraine) et allemands (la Sarre et la Rhénanie Palatinat). Nous montrons que dans Enfance, instantanés. À l’aube de la mémoire de l’écrivaine luxembourgeoise Carla Lucarelli, et dans Notre enfance en Lorraine. Enfants de la guerre et du baby-boom de Nina del Tragheto et Robert Jung, l’espace régional ne se contente pas du statut de matrice de la diégèse, mais constitue également le moteur du projet d’écriture. Centrés sur la reconstruction d’une expérience mentale (Lucarelli)
et d’une époque historique (del Tragheto & Jung) par le biais de la mémoire autobiographique, d’images mentales et de photographies documentaires, les deux ouvrages sont nés en tant que
réponses à des interrogations posées par l’appartenance à un espace liminal, multilingue et multiethnique. Cet espace aux frontières poreuses donne lieu aussi bien à des réflexions sur l’identité personnelle et collective que sur les mécanismes narratifs et esthétiques qui sous-tendent sa mise en scène.

Mots-clés : la Grande Région – écriture autobiographique – espace – enfance – cognition

Dans l’iconographie du surréalisme, la plupart des représentations sujet emprisonnés dans une cage reposent sur un schéma répété. Ce mode de captivité concerne en majorité les femmes : emprisonnées, souvent nues, elles sont cantonnées au rôle passif et érotisé de muse. Probablement lié à l’intégration croissante des femmes dans le mouvement entre 1924 et 1969, cette partition répétée semble cependant se troubler progressivement. Certaines artistes se réapproprient, repensent, et parfois même retournent cette distribution. L’objectif de cet article est d’interroger la spécificité de cette figure dans le champ de l’iconographie surréaliste, en veillant à mettre en relief ses contradictions. En effet, si ce motif s’inscrit symboliquement dans à un projet surréaliste de libération du désir, il semble simultanément reconduire, et même accentuer, certains stéréotypes misogynes. En s’intéressant à ce que « fait » la cage au corps féminins du point de vue symbolique mais également en tant que dispositif, la mise en relation des représentations d’encagement féminins permettra de mieux cerner comment certaines femmes s’emparent, et parfois renversent, une imagerie androcentrée.

À l’heure où la critique littéraire et dramatique questionne le(s) canon(s) et tente de proposer une autre définition du fait littéraire et théâtral, en renonçant au tout autonome et autoréflexif et en s’appuyant pour cela sur le travail des historiennes et historiens, les manières plurielles d’écrire en petit et de jouer en mineur, au double sens de jeu théâtral et de jeu social, doivent être pensées comme une sorte de flux ou de cours d’eau de la fin du XIXe et du début du XXe où se croisent des écrivains, des journaux, des scènes, des formes et des formats, des modes de vie, bref, une véritable culture du petit, à la fois littéraire, scénique et médiatique. Penser la vie littéraire, théâtrale et médiatique de la Belle Époque par le prisme des pôles majeur/mineur, centre/marge, s’avère particulièrement fécond pour comprendre les postures auctoriales, les stratégies de carrière, la publicisation de soi et les productions littéraires et artistiques. L’un des enjeux de ce livre est ainsi d’interroger la fabrique de ces positions mineures et marginales, leurs dynamiques et leur rapport souvent ambigu à la reconnaissance et au succès. Parce que ces positions et pratiques n’ont de sens que comprises ensemble, du roman au théâtre, de la petite presse au cabaret, des poètes aux acteurs et actrices, les champs littéraire, dramatique et médiatique sont envisagés de concert, comme une forme d’hyper-champ culturel. Cet ouvrage est le premier à proposer une étude des écritures et formes mineures en les pensant comme une véritable culture qui traverse la Belle Époque à l’échelle européenne.

At a time when literary and dramatic criticism is questioning the canon(s) and attempting to propose a different definition of the literary and theatrical, abandoning the autonomous and self-reflexive literature and relying for this on the work of historians, the plural ways of writing small and playing small, in the double sense of theatrical play and social play, should be thought of as a kind of flow or watercourse of the late nineteenth and early twentieth centuries, where writers, newspapers, stages, forms and formats, lifestyles – in short, a veritable culture of the small, at once literary, theatrical and media – intersect.

Thinking about literary, theatrical and media life in the Belle Époque through the prism of the major/minor and centre/margin poles is particularly fruitful for understanding auctorial postures, career strategies, self-publicisation and literary and artistic production. One of the challenges of this book is to examine the making of these minor and marginal positions, their dynamics and their often ambiguous relationship to recognition and success. Because these positions and practices only make sense when understood together, from the novel to the theatre, from the small press to cabaret, from poets to actors and actresses, the literary, dramatic and media fields are considered together, as a form of cultural hyper-field. This book is the first to offer a study of minor writings and forms, viewing them as a veritable culture that spanned the Belle Époque on a European scale.

Un siècle de dialogues: Actes du Colloque international à l’occasion du centenaire du Département de Français de l’Université de Debrecen 31 août – 1er septembre 2023 Textes réunis par Andrea Nagy et István Csűry, (Studia Romanica de Debrecen, Hors série), Debreceni Egyetemi Kiadó – Debrecen University Press, 2024, pp. 223–233.
ISSN 2062-879X, ISBN 978-963-615-212-3 (print), ISBN 978-963-615-152-2 (pdf) https://hdl.handle.net/2437/382811

Résumé : Dans la présente communication, nous proposons une analyse du roman de Michel Houellebecq La possibilité d’une île (2005) du point de vue des traditions culturelles et littéraires, à la fois comme discours autobiographique, discours prophétique et discours sur l’amour platonique. Il s’agit d’une science-fiction nourrie des recherches médicinales et des idées du génie génétique de nos jours, ce monde fictionnel serait cependant incompréhensible sans les rites culturels et la mémoire de la littérature.
Mots-clés : Houellebecq ; dystopie ; littérature française contemporaine ; discours biblique ; autobiographie.
The Possibility of a Literary Utopia – abstract: This paper analyzes Michel Houellebecq’s novel entitled The Possibility of an Island (2005) from the point of view of cultural and literary traditions, such as autobiographical discourse, prophetic discourse and the discourse of platonic love. This novel is a science fiction which invites medicinal researches and ideas of genetic engineering in our time, however this fictional world would be incomprehensible without the cultural rites and the memory of literature.
Keywords: Houellebecq; dystopia; contemporary French literature; biblical discourse; autobiography.

Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. La Rochefoucauld, Maximes On voudrait parfois être une tête de Méduse pour changer en pierre un groupe comme celui-là et puis appeler les gens. […] Il s!agit là d!une sortie hors de l!humain, de se rendre dans un domaine tout à la fois tourné vers l!humain et tel que l'humain s'y sent déplacé […] L!art garde ici encore une fois quelque chose d'étrange, de dépaysant. […] L!art met le moi à distance. Il demande ici qu'il y ait dans une certaine direction une certaine distance, un certain chemin. Et la poésie ? La poésie qui doit bien, n!est-ce pas, prendre le chemin de l!art ? Ce serait donc cela le chemin au bout duquel il y a la tête de Méduse.

Éric-Emmanuel Schmitt est un auteur humaniste et populaire dont l’œuvre se distingue par les enjeux éthiques des questionnements sur des thèmes universels et actuels. Le corpus de ses livres inclut un volet paratextuel sur le travail d’écrivain, ses stratégies et ses expériences d’écriture.
Les techniques issues de l’empathie imaginative de l’auteur sont étudiées au prisme de la théorie de Suzanne Keen et du concept d’empathie narrative dans le but de dégager les représentations et mécanismes dominants de l’empathie dans l’œuvre de Schmitt. Sont analysés des exemples de dispositifs narratifs aussi bien que les stratégies relatives à sa poétique empathique. L’émergence d’une forme particulière d’empathie auctoriale fondée sur l’hommage – l’empathie intertextuelle – est éclairée en concordance avec la posture de filiation entre Schmitt et ses auteurs modèles.

Avec l'accessibilité d'une partie substantielle de l'archive d'André (et de Simone) Schwarz-Bart à la Bibliothèque nationale de France, la critique dispose des brouillons et des notes des romans schwarz-bartiens. Ces « paratextes privés » nous offrent des commentaires en marge, ainsi que des indications sur l'intention schwarz-bartienne quant aux romans à paraître. L'auteur désaccompli laisse dans l'atelier de Souvenance un chantier d'ouvrages, un entrelacs de potentialités.

In a society characterized by ever-changing identity- and boundary-redefinition, the confines among different kinds of art are shifting consistently. Painting, photography, and cinema often surface in post-modern literature directly or indirectly. In particular, intertextual connections, generated by the intertwining of cinema and literature in literary works, lead to the creation of new text types which can hardly be classified according to traditional genre taxonomies. This essay aims to investigate some hybridization processes, triggered by the presence of cinema in literary texts, through the analysis of two novels which claim a direct connection with cinema: Paradis Conjugal d'Alice Ferney (2008) et Le Garçon incassable de Florence Seyvos (2013).

This essay explores a large corpus of texts encompassing the French versions of the Dante’s Comedy from the nineteenth century to the present, by focus- sing on the translation of the diatopic variation from Italian into French, more specifically on the case of the Bolognese affirmative particle «sipa» (Inf., XVIII). Four main translation strategies of Dante’s heterolingualism are identified: non- translation, suppression, intratextual translation, and oblique translation.

Le chant des sirènes : l'eau racontée par les artistes, Villa Médicis, éditions EMPIRE.

"Sur terre et dans l’atmosphère, à la fois élément et ressource, l’eau nous constitue et déborde le monde. Protéiforme–pluies, mers, perles, rosée, ruisseaux, nuages, brouillard et larmes –, elle est la source essentielle de toute vie. Aujourd’hui détournée, puisée et polluée, l’eau est devenue un enjeu vital de la crise écologique en cours. Mais si l’eau fait l’objet d’une conquête, les abysses restent encore aujourd’hui plus mystérieux que la Lune, territoires rêvés, peuplés de monstres fantastiques.

L’exposition suit le cycle de l’eau, des civilisations englouties aux pratiques rituelles en passant par les eaux troubles des routes commerciales. La figure hybride de la sirène, tour à tour maléfique et protectrice, moitié femme, moitié animal, joue le rôle de guide pour naviguer entre ces mondes, des profondeurs à la surface. Son ambivalence résonne avec celle de l’eau, espace de métamorphoses, entre eaux de jouvence et eaux funestes.

L’exposition invite à traverser les différents états de l’eau par le regard des artistes, de sa représentation à ses enjeux politiques, du bien transformé en ressource à la quête métaphorique de sa source. La plongée dans ce monde liquide ouvre un univers de contradictions à l’heure où les récits sur les origines de l’eau se mêlent à ceux qui conjurent les temps futurs où elle menace par son déluge et son manque, et où le niveau des mers monte en même temps que les rivières s’assèchent."

Bataille propose de considérer la souveraineté comme un «aspect de la vie humaine» - une essence partagée par tous les hommes - qui serait le supplément désirable à une certaine normalité utilitariste et simultanément une condition d’ouverture des possibles. (...) Une question en forme d'actualisation : comment ce concept de souveraineté permet-il de comprendre la résurgence des mouvements fascistes ?

Here's the English translation:

We propose to focus our reflections around a definition of the unnoticed as an experience, often consubstantial with a particular temporality, leading to the opacification or relegation to the background by perception of a certain number of spaces. In this regard, the unnoticed in the selected corpus is essentially read in terms of obstacles. Following in Perec's footsteps, the studied texts thus seek to reveal what usually escapes notice in the everyday and infra-everyday. Achieving this objective requires tearing through everyday appearances, reclaiming what is concealed by habit and routine. The three narratives examined imagine different responses to this problematic at the junction of the social and individual, taking measure of what is hidden or lost in the folds of the everyday or infra-everyday, in falsely familiar spaces. We will therefore study the strategies implemented to defamiliarize the banal and make the invisible visible. The three writers adopt meticulous observation protocols, reject usual hierarchies, and favor the accumulation of seemingly insignificant details. They also develop a scopic drive aimed at seeing and describing everything, sometimes at the risk of exhaustion. We then emphasize the social and political dimension of these approaches, which often aim to reveal marginalized or invisibilized realities.

Ce texte tente de ressaisir l’évolution du style d’Emmanuel Carrère à travers son œuvre, en se concentrant sur la tension qui s’exerce dans l’écriture entre un idéal classique initial et des inflexions plus contemporaines. Il est possible d’identifier une première période marquée par une langue soutenue et une érudition affichée, exemplifiée par des romans comme L’Amie du jaguar et Bravoure. Cette prose élaborée, parfois ampoulée, cède progressivement la place à une écriture plus sobre et dépouillée, notamment dans La Moustache et La Classe de neige, où le travail sur la langue s’efface au profit de l’exploration des consciences. Un tournant majeur intervient avec L’Adversaire, qui inaugure une veine plus personnelle et une narration à la première personne. Les récits ultérieurs voient s’affirmer un « je » de plus en plus présent, tandis que la langue se fait plus contrastée, mêlant registres soutenus et familiers. On observe cependant la persistance d’un idéal classique chez Carrère, notamment dans son souci de clarté et de lisibilité, mais note également une tendance croissante à bousculer les bienséances et à aborder des sujets plus crus. La relation de Carrère à la langue russe est également examinée comme une tentative d’échapper aux contraintes du français académique. Toutefois, cette quête d’une langue à la fois classique et sensuelle se heurte à des échecs, illustrant la difficulté de concilier héritage littéraire et expression contemporaine. En définitive, l’œuvre de Carrère apparaît comme une recherche constante d’équilibre entre un socle classique et des formes d’écriture plus actuelles, visant à élaborer une langue à la fois littéraire et accessible au plus grand nombre.
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This text attempts to capture the evolution of Emmanuel Carrère's style throughout his work, focusing on the tension in his writing between an initial classical ideal and more contemporary inflections. It's possible to identify a first period marked by formal language and displayed erudition, exemplified by novels such as "L'Amie du jaguar" and "Bravoure." This elaborate, sometimes pompous prose gradually gives way to a more sober and stripped-down writing style, particularly in "La Moustache" and "La Classe de neige," where the work on language fades in favor of exploring consciousness. A major turning point occurs with "L'Adversaire," which inaugurates a more personal vein and first-person narration. Subsequent narratives see an increasingly present "I," while the language becomes more contrasted, mixing formal and familiar registers. However, one observes the persistence of a classical ideal in Carrère's work, particularly in his concern for clarity and readability, but also notes a growing tendency to upset conventions and address cruder subjects. Carrère's relationship with the Russian language is also examined as an attempt to escape the constraints of academic French. However, this quest for a language both classical and sensual encounters failures, illustrating the difficulty of reconciling literary heritage and contemporary expression. Ultimately, Carrère's work appears as a constant search for balance between a classical foundation and more current forms of writing, aiming to develop a language that is both literary and accessible to the widest audience.

Le Musée de l’Holocauste Montréal (MHM) est la première et la plus grande institution au pays traitant de la Shoah. Fondé en 1979, l’institution détient l’une des plus grandes collections d’objets et de témoignages reliés à la Shoah. À travers ses collections, le MHM a réuni un patrimoine mémoriel impressionnant étalé sur plusieurs décennies. À cet effet, chaque objet de la collection du Musée représente le témoignage d’un·e donateur·trice. Gardé à l’intention des employé·es du département de conservation et d’expositions, ces témoignages ne sont pas transmis à l’intention du public, mais représente tout de même les mémoires de milliers de personnes aujourd’hui disparues. Comment les employé·es du département de conservation et d’expositions veillent-elles à conserver ce patrimoine mémoriel ? À partir d’une série de plusieurs entrevues semi-dirigées menées entre 2023 et 2024, cette recherche vise à offrir une première théorisation du concept de conservation mémorielle. De l’acquisition d’un objet jusqu’à son traitement dans les réserves, nous voyons que le processus se fait en collaboration constante entre les employé·es et les membres de la communauté survivante et, plus largement, juive. Cette collaboration, prenant forme sous un sens de responsabilité des employé·es à rendre service à cette communauté, caractérise ainsi intégralement la mise en conservation de la mémoire des victimes de la Shoah.

Au départ, un avertissement. Ceci, conférence ou causerie, ne saurait etre une étude sur la Shoah, pas meme sur la Shoah a l' écran. Aucune espérance non plus d' épuiser un film de la complexité de celui de Claude Lanzmann. 11 s'agit d'une simple réflexion sur le theme qui anime cette série d'interventions sur le lieu et le personnage ( ou, plutót, le personnage et son lieu), dans un cas ou les personnages ont effectivement participé dans leur vécu a un drame réel, et chez qui les lieux ont laissé des traces, minces dans la géographie, mais énormes dans les corps et dans les souvenirs des protagonistes. Il s'agira pour Lanzmann d'arracher le personnage a son lieu présent pour le faire devenir acteur de son propre drame par la parole. Un fossé se creuse done entre histoire et mémoire, fossé que Shoah, le film, résoudra a l'aide des mécanismes propres aux mythes. Or, le mythe peut-il etre mis en scene? Voici l'une des questions que j'aimerais me poser lCl. La visée du film est moins de construire un discours sur la barbarie découverte que de la présenter dans ce qu' elle a de plus troublant pour l' ceil. Pour ce faire, le documentaire fait appel a un double mécanisme : d'une part, ' ffiDeBoeck b;bJ Université JACQUES AUMONT La mise en scene : de la correspondance des arts a la recherche d'une spécificité .