Université des Sciences et Technologies de Lille (Lille-1)
Histoire des sciences
together with Anne-Lise Rey: introduction of the special issue of the same title in the Revue d'Histoire des Sciences
Anne-Lise Rey argues that the novelty of Leibniz’s introduction of his science of dynamics lies in the fact that he conceives of the action of a body as a motive action that is also, at bottom, an action directed toward itself. In pursuit... more
Anne-Lise Rey argues that the novelty of Leibniz’s introduction of his science of dynamics lies in the fact that he conceives of the action of a body as a motive action that is also, at bottom, an action directed toward itself. In pursuit of the animal hidden in the machine, the explanatory frame that the dynamics puts in place to account for action, in such a way that the action within the body as well as the relation between bodies and simple substances are simultaneously comprehended, can serve, Rey believes, as a foundation for thinking about the status of organic bodies and their relationship to the notion of substantiality.
- by Anne-Lise REY
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À travers l'analyse de la correspondance entre Leibniz et Wolff, l'article cherche à restituer les modalités démonstratives utilisées par Leibniz pour transmettre sa dynamique ainsi que le dispositif métaphysique qui lui est inhérent. Il... more
À travers l'analyse de la correspondance entre Leibniz et Wolff, l'article cherche à restituer les modalités démonstratives utilisées par Leibniz pour transmettre sa dynamique ainsi que le dispositif métaphysique qui lui est inhérent. Il est question ici de l'ambivalence du vocable d'action, à la fois objet du principe de conservation et essence de la substance. C'est en étudiant sa réception par Wolff qu'il est possible de mettre en évidence, dès 1705, la singularité d'un cadre métaphysique wolffien qui accueille la dynamique leibnizienne de l'action, puis la publicise, tout en proposant une acception irréductiblement différente de la substance.
- by Anne-Lise REY
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Ce livre s’intéresse à une rencontre : celle de deux philosophes, mais aussi celle de deux siècles et de deux régimes de pensée. Leibniz (1646-1716) et Diderot (1713-1784) appartiennent à deux traditions en apparence opposées : on associe... more
Ce livre s’intéresse à une rencontre : celle de deux philosophes, mais aussi celle de deux siècles et de deux régimes de pensée. Leibniz (1646-1716) et Diderot (1713-1784) appartiennent à deux traditions en apparence opposées : on associe généralement la pensée leibnizienne aux grands systèmes métaphysiques du XVIIe siècle, et celle de Diderot à la mise en pièces de ces édifices par la voie d’une philosophie expérimentale radicalement antisystématique. Pourtant, plusieurs liens entre les deux œuvres sont visibles, qu’il s’agisse d’emprunts conceptuels ou thématiques par Diderot ou de convergences plus difficiles à circonscrire. Le premier objet de ce livre est d’identifier ces liens et de faire le point sur cette sympathie entre les deux philosophies. Mais ce livre s’intéresse aussi à cette rencontre pour ses effets transformateurs, tant sur le plan des concepts, des thèses et des arguments que sur celui des méthodes. Il s’agit alors de voir comment la rencontre avec le leibnizianisme a nourri la pensée diderotienne, comment la lecture du texte leibnizien par Diderot en modifie le sens, comment elle peut parfois en être une interprétation ou un devenir possible. Pour saisir ces transformations, les auteurs ont examiné divers contextes théoriques dans lesquels les pensées de Leibniz et Diderot dialoguent : métaphysique et philosophie de la nature, épistémologie et philosophie des sciences, théorie de la perception et esthétique. À travers ce dialogue, l’ouvrage contribue à une réflexion générale sur les méthodes requises pour mettre en perspective les rapports entre des philosophies à la fois proches et éloignées.
Cet ouvrage montre comment, entre l’âge classique et les Lumières, les philosophes et médecins ont contribué à la genèse de l’anthropologie. Anatomie, physiologie et pathologie contribuent largement à l’opération de « décentrement » de... more
Cet ouvrage montre comment, entre l’âge classique et les Lumières, les philosophes et médecins ont contribué à la genèse de l’anthropologie. Anatomie, physiologie et pathologie contribuent largement à l’opération de « décentrement » de l’homme, concept longtemps associé à la seule révolution astronomique.
- by Anne-Lise REY and +1
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- Philosophy, History of Science
Ce volume poursuit un triple but. Il s’agit d’abord de comprendre les enjeux de la controverse scientifique, son fonctionnement, son influence sur la pensée des acteurs de la science et le rôle que le conflit joue dans l’établissement de... more
Ce volume poursuit un triple but. Il s’agit d’abord de comprendre les enjeux de la controverse scientifique, son fonctionnement, son influence sur la pensée des acteurs de la science et le rôle que le conflit joue dans l’établissement de cette dernière: la controverse est-elle uniquement un obstacle à l’avancement de la science ou est-elle au contraire un élément indissociable de son avancement, présentant un caractère à la fois dynamique et inventif?
Ensuite, en s’attachant à un corpus particulier, nous aimerions comprendre les relations qu’entretiennent les pratiques scientifiques de l’échange épistolaire et du conflit savant. Les normes qui régissent les correspondances ont-elles une influence sur les règles tacites selon lesquelles s’orchestre le débat, et inversement? À quels moments et niveaux de la controverse mobilise-t-on les lettres; en quoi leurs usages influencent-ils le déroulement d’une dispute, querelle ou polémique?
Enfin, ces deux premiers questionnements nous conduisent nécessairement à interroger la fécondité et les limites de certains modèles de la communauté savante dans la littérature secondaire.
En quoi les conceptions de la République des lettres se distinguent-elles des pratiques qui la forment et la définissent? La recherche du consensus est-elle vraiment un idéal unanimement partagé en son sein? Si les controverses font partie intégrante du mode de fonctionnement de la science, ne faut-il pas alors redéfinir le terme de «science normale»? En effet, celui-ci sous-tend une absence de crises et d’affrontements majeurs – ces derniers étant associés à la révolution et au changement de paradigme qui ponctuent le passage d’une période de «science normale» à une autre.
En redonnant aux controverses le caractère usuel qu’elles possèdent dans la communauté savante de l’âge classique – et au-delà –, nous plaidons pour une analyse plus féconde du processus scientifique qui permette d’expliquer que l’on puisse se comprendre sans être forcément d’accord, que des visions du monde divergentes puissent coexister au sein d’une même communauté sans pour autant qu’il s’ensuive obligatoirement l’abandon d’une théorie ou l’exclusion de ses partisans. Dans la majorité des cas, le désaccord n’équivaut pas à refuser la scientificité d’une thèse et encore moins à refuser à ses tenants l’appartenance à la République des lettres. Dissensus et consensus forment ainsi les deux faces d’un dialogue savant en constante évolution.
Ensuite, en s’attachant à un corpus particulier, nous aimerions comprendre les relations qu’entretiennent les pratiques scientifiques de l’échange épistolaire et du conflit savant. Les normes qui régissent les correspondances ont-elles une influence sur les règles tacites selon lesquelles s’orchestre le débat, et inversement? À quels moments et niveaux de la controverse mobilise-t-on les lettres; en quoi leurs usages influencent-ils le déroulement d’une dispute, querelle ou polémique?
Enfin, ces deux premiers questionnements nous conduisent nécessairement à interroger la fécondité et les limites de certains modèles de la communauté savante dans la littérature secondaire.
En quoi les conceptions de la République des lettres se distinguent-elles des pratiques qui la forment et la définissent? La recherche du consensus est-elle vraiment un idéal unanimement partagé en son sein? Si les controverses font partie intégrante du mode de fonctionnement de la science, ne faut-il pas alors redéfinir le terme de «science normale»? En effet, celui-ci sous-tend une absence de crises et d’affrontements majeurs – ces derniers étant associés à la révolution et au changement de paradigme qui ponctuent le passage d’une période de «science normale» à une autre.
En redonnant aux controverses le caractère usuel qu’elles possèdent dans la communauté savante de l’âge classique – et au-delà –, nous plaidons pour une analyse plus féconde du processus scientifique qui permette d’expliquer que l’on puisse se comprendre sans être forcément d’accord, que des visions du monde divergentes puissent coexister au sein d’une même communauté sans pour autant qu’il s’ensuive obligatoirement l’abandon d’une théorie ou l’exclusion de ses partisans. Dans la majorité des cas, le désaccord n’équivaut pas à refuser la scientificité d’une thèse et encore moins à refuser à ses tenants l’appartenance à la République des lettres. Dissensus et consensus forment ainsi les deux faces d’un dialogue savant en constante évolution.
Les méthodes utilisées pour analyser la science d'hier et d'aujourd'hui peuvent-elles s'enrichir du débat, puis du dialogue des unes avec les autres ? C'est le pari de cet ouvrage qui présente la pluralité des approches méthodologiques en... more
Les méthodes utilisées pour analyser la science d'hier et d'aujourd'hui peuvent-elles s'enrichir du débat, puis du dialogue des unes avec les autres ? C'est le pari de cet ouvrage qui présente la pluralité des approches méthodologiques en histoire des sciences et des techniques et interroge son épistémologie.
L’objet de ce dossier est de comparer les systèmes philosophiques de Nicolas de Cues et de Leibniz. Nous voudrions préciser la méthode ainsi que les intentions qui président à cet exercice [1] [1] Les textes qui suivent sont issus d’une... more
L’objet de ce dossier est de comparer les systèmes philosophiques de Nicolas de Cues et de Leibniz. Nous voudrions préciser la méthode ainsi que les intentions qui président à cet exercice [1]
[1] Les textes qui suivent sont issus d’une journée d’études...
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Comparatisme et historicisme
2
Le premier problème rencontré est celui des rapports du comparatisme à l’historicisme. Il ne s’agira pas pour nous d’établir un lien de causalité dans la constitution de ces deux systèmes philosophiques en déterminant prioritairement les liens philologiques ou historiques qui mènent de l’un à l’autre (même si le rôle des passeurs et des relais peut être riche d’enseignement sur ce qui nous occupe, comme nous le montre l’article de Pierre Magnard). Il ne s’agira pas non plus de soustraire ces philosophies à tout enracinement historique pour les considérer dans une pureté idéelle. Nous souhaitons étudier les relations entre ces deux pensées parce qu’elles présentent de profondes homologies : chacune propose une métaphysique de l’infini (les articles de Jean Celeyrette et de Paul Rateau en témoignent), une ontologie expressive dans le cadre du couple complicatio/explicatio (l’article d’Anne-Lise Rey aborde cette question), une valorisation de la singularité dans son rapport au Principe (l’article de Frédéric Vengeon traite cet aspect) et une tentative de théoriser la concorde des communautés spirituelles.
3
Nous pensons que ces homologies ne sont pas accidentelles mais qu’elles trouvent leur raison dans le fait que ces deux systèmes répondent au même problème métaphysique, en apportant chacun des thèses et des opérateurs conceptuels différents. Nous ne voulons proposer ni une simple réduction à l’identique, ni un catalogue de thèses divergentes mais une tentative d’établir des différences signifiantes en référence à un problème commun.
4
La comparaison métaphysique suppose donc d’identifier un problème métaphysique central auquel sont confrontés les systèmes en présence. Dans le cas qui nous occupe, nous formulons l’hypothèse que ce problème fondamental est celui des rapports entre le fini et l’infini, et plus précisément de leur double postulation, c’est-à-dire de la tension qui réside entre une métaphysique expressive de l’infini et la valorisation de la singularité créée.
Nicolas de Cues et Leibniz
Pourquoi choisir dans ce cadre de comparer Nicolas de Cues et Leibniz ? Il nous semble que Nicolas de Cues formule le premier, de la manière la plus claire possible, le problème métaphysique de la double postulation de l’infini et du fini. Il ouvre par là un champ problématique qui sera transmis à la métaphysique classique. S’il est alors possible de comparer la philosophie de Nicolas de Cues avec tous les grands systèmes de la métaphysique classique, Nicolas de Cues et Leibniz présentent néanmoins des liens électifs en raison des homologies que nous avons mentionnées. Ce sont sans doute les penseurs les plus proches d’un point de vue métaphysique.
6
Même s’ils ne constituent pas l’objet de nos études, disons quelques mots des liens de filiation philologique entre nos deux auteurs. L’étude systématique de la réception de l’œuvre de Nicolas de Cues au xviie siècle reste sans doute à faire. Si le discours sur la filiation supposée entre Cues et Leibniz constitue un lieu commun qui parcourt l’histoire de la philosophie – que l’on pense par exemple parmi tant d’autres à l’ouvrage de Robert Zimmermann Der Cardinal Nicolaus Cusanus als Vorlaüfer Leibnitzens [2]
[2] In Sitzungsberichte der Kaiserkichen Akademie der Wissenschaften....
–, ce dossier ne s’inscrit à aucun moment dans le désir de fortifier cette thèse. Un certain nombre de textes de Leibniz témoignent néanmoins d’une référence à Cues et parfois d’une connaissance de sa pensée non seulement dans le cadre de sa conception de l’infini, mais également en cosmologie, en théologie, en ecclésiologie. Ainsi, certaines lettres à Wallis mentionnent le nom de Cues à propos de l’invention de la cycloïde [3]
[3] Cf., par exemple, Lettre de Wallis à Leibniz, 1er/11 décembre...
. Par ailleurs quelques passages mentionnent les positions cosmologiques [4]
[4] On pense par exemple à la lettre de Leibniz à Bossuet,...
de Cues, témoignant par là de leur connaissance par Leibniz. D’autres textes font référence aux conjectures ecclésiologiques du Cusain exposées dans la Conjectura de ultimis diebus [5]
[5] Par exemple ce passage d’une lettre d’Eckhart à Leibniz...
. Leibniz connaît donc des pans entiers de l’œuvre du cardinal de Cues. L’exploration systématique de ce chantier philologique reste à faire.
Une histoire de la métaphysique
Notre intention est bien plutôt de contribuer à une histoire de la métaphysique à travers la confrontation des systèmes philosophiques [6]
[6] Notre démarche pourrait se revendiquer de celle de...
.
8
Cette tentative impose, et c’est le deuxième problème, de bien distinguer l’activité métaphysique de l’activité scientifique. Les deux niveaux sont distincts et entretiennent, sur la base de cette distinction même, des interactions complexes. Il ne s’agit en aucun cas de retrouver des métaphysiques identiques en surplomb d’une évolution épistémologique (mais aussi bien politique ou esthétique) inessentielle. Les relations, mutuellement déterminantes, entre la science et la métaphysique sont réelles et les études qui se consacrent à les identifier sont pertinentes. On peut dire à cet égard que la métaphysique se refonde à chaque fois sur la base d’inventions dans le champ des savoirs (Leibniz et la dynamique, Leibniz et le calcul, comme le montrent les articles de David Rabouin et Marc Parmentier ; Cues et le savoir constructif de la perspective). Pour autant, il n’en demeure pas moins qu’il y a une élaboration des problèmes métaphysiques et de leurs possibles résolutions. En déplaçant l’attention depuis les rapports, à l’intérieur d’une même œuvre, entre découverte scientifique et invention métaphysique sur l’évolution d’un problème métaphysique d’une œuvre à l’autre, nous n’entendons pas perdre le fil des inventions épistémologiques mais le réintégrer dans une histoire de la métaphysique.
9
Cela permettrait de prendre en compte le jeu des découvertes scientifiques au sein d’un système métaphysique en faisant la distinction entre la métaphysique comme projet (avant l’élaboration conceptuelle effective) et la métaphysique comme pratique (dans le devenir conceptuel de la démarche). Loin de projeter des résolutions métaphysiques déjà constituées sur des problèmes scientifiques, ou de postuler une métaphysique autonome, ce type de lecture devrait nous rendre sensible à la métaphysique telle qu’elle s’invente dans les bouleversements du savoir.
10
Les études qui suivent aimeraient saisir ces pensées à partir des problèmes qu’elles travaillent ainsi, lorsque la différence entre ces pensées devient signifiante, c’est peut-être le moyen de les réinscrire, autrement, dans l’histoire.
[1] Les textes qui suivent sont issus d’une journée d’études...
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Comparatisme et historicisme
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Le premier problème rencontré est celui des rapports du comparatisme à l’historicisme. Il ne s’agira pas pour nous d’établir un lien de causalité dans la constitution de ces deux systèmes philosophiques en déterminant prioritairement les liens philologiques ou historiques qui mènent de l’un à l’autre (même si le rôle des passeurs et des relais peut être riche d’enseignement sur ce qui nous occupe, comme nous le montre l’article de Pierre Magnard). Il ne s’agira pas non plus de soustraire ces philosophies à tout enracinement historique pour les considérer dans une pureté idéelle. Nous souhaitons étudier les relations entre ces deux pensées parce qu’elles présentent de profondes homologies : chacune propose une métaphysique de l’infini (les articles de Jean Celeyrette et de Paul Rateau en témoignent), une ontologie expressive dans le cadre du couple complicatio/explicatio (l’article d’Anne-Lise Rey aborde cette question), une valorisation de la singularité dans son rapport au Principe (l’article de Frédéric Vengeon traite cet aspect) et une tentative de théoriser la concorde des communautés spirituelles.
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Nous pensons que ces homologies ne sont pas accidentelles mais qu’elles trouvent leur raison dans le fait que ces deux systèmes répondent au même problème métaphysique, en apportant chacun des thèses et des opérateurs conceptuels différents. Nous ne voulons proposer ni une simple réduction à l’identique, ni un catalogue de thèses divergentes mais une tentative d’établir des différences signifiantes en référence à un problème commun.
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La comparaison métaphysique suppose donc d’identifier un problème métaphysique central auquel sont confrontés les systèmes en présence. Dans le cas qui nous occupe, nous formulons l’hypothèse que ce problème fondamental est celui des rapports entre le fini et l’infini, et plus précisément de leur double postulation, c’est-à-dire de la tension qui réside entre une métaphysique expressive de l’infini et la valorisation de la singularité créée.
Nicolas de Cues et Leibniz
Pourquoi choisir dans ce cadre de comparer Nicolas de Cues et Leibniz ? Il nous semble que Nicolas de Cues formule le premier, de la manière la plus claire possible, le problème métaphysique de la double postulation de l’infini et du fini. Il ouvre par là un champ problématique qui sera transmis à la métaphysique classique. S’il est alors possible de comparer la philosophie de Nicolas de Cues avec tous les grands systèmes de la métaphysique classique, Nicolas de Cues et Leibniz présentent néanmoins des liens électifs en raison des homologies que nous avons mentionnées. Ce sont sans doute les penseurs les plus proches d’un point de vue métaphysique.
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Même s’ils ne constituent pas l’objet de nos études, disons quelques mots des liens de filiation philologique entre nos deux auteurs. L’étude systématique de la réception de l’œuvre de Nicolas de Cues au xviie siècle reste sans doute à faire. Si le discours sur la filiation supposée entre Cues et Leibniz constitue un lieu commun qui parcourt l’histoire de la philosophie – que l’on pense par exemple parmi tant d’autres à l’ouvrage de Robert Zimmermann Der Cardinal Nicolaus Cusanus als Vorlaüfer Leibnitzens [2]
[2] In Sitzungsberichte der Kaiserkichen Akademie der Wissenschaften....
–, ce dossier ne s’inscrit à aucun moment dans le désir de fortifier cette thèse. Un certain nombre de textes de Leibniz témoignent néanmoins d’une référence à Cues et parfois d’une connaissance de sa pensée non seulement dans le cadre de sa conception de l’infini, mais également en cosmologie, en théologie, en ecclésiologie. Ainsi, certaines lettres à Wallis mentionnent le nom de Cues à propos de l’invention de la cycloïde [3]
[3] Cf., par exemple, Lettre de Wallis à Leibniz, 1er/11 décembre...
. Par ailleurs quelques passages mentionnent les positions cosmologiques [4]
[4] On pense par exemple à la lettre de Leibniz à Bossuet,...
de Cues, témoignant par là de leur connaissance par Leibniz. D’autres textes font référence aux conjectures ecclésiologiques du Cusain exposées dans la Conjectura de ultimis diebus [5]
[5] Par exemple ce passage d’une lettre d’Eckhart à Leibniz...
. Leibniz connaît donc des pans entiers de l’œuvre du cardinal de Cues. L’exploration systématique de ce chantier philologique reste à faire.
Une histoire de la métaphysique
Notre intention est bien plutôt de contribuer à une histoire de la métaphysique à travers la confrontation des systèmes philosophiques [6]
[6] Notre démarche pourrait se revendiquer de celle de...
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Cette tentative impose, et c’est le deuxième problème, de bien distinguer l’activité métaphysique de l’activité scientifique. Les deux niveaux sont distincts et entretiennent, sur la base de cette distinction même, des interactions complexes. Il ne s’agit en aucun cas de retrouver des métaphysiques identiques en surplomb d’une évolution épistémologique (mais aussi bien politique ou esthétique) inessentielle. Les relations, mutuellement déterminantes, entre la science et la métaphysique sont réelles et les études qui se consacrent à les identifier sont pertinentes. On peut dire à cet égard que la métaphysique se refonde à chaque fois sur la base d’inventions dans le champ des savoirs (Leibniz et la dynamique, Leibniz et le calcul, comme le montrent les articles de David Rabouin et Marc Parmentier ; Cues et le savoir constructif de la perspective). Pour autant, il n’en demeure pas moins qu’il y a une élaboration des problèmes métaphysiques et de leurs possibles résolutions. En déplaçant l’attention depuis les rapports, à l’intérieur d’une même œuvre, entre découverte scientifique et invention métaphysique sur l’évolution d’un problème métaphysique d’une œuvre à l’autre, nous n’entendons pas perdre le fil des inventions épistémologiques mais le réintégrer dans une histoire de la métaphysique.
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Cela permettrait de prendre en compte le jeu des découvertes scientifiques au sein d’un système métaphysique en faisant la distinction entre la métaphysique comme projet (avant l’élaboration conceptuelle effective) et la métaphysique comme pratique (dans le devenir conceptuel de la démarche). Loin de projeter des résolutions métaphysiques déjà constituées sur des problèmes scientifiques, ou de postuler une métaphysique autonome, ce type de lecture devrait nous rendre sensible à la métaphysique telle qu’elle s’invente dans les bouleversements du savoir.
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Les études qui suivent aimeraient saisir ces pensées à partir des problèmes qu’elles travaillent ainsi, lorsque la différence entre ces pensées devient signifiante, c’est peut-être le moyen de les réinscrire, autrement, dans l’histoire.
Ce double numéro de la Revue de synthèse propose d’analyser les querelles et les controverses de l’époque moderne sous l’espèce de la dispute, catégorie qui permet d’articuler un mode rhétorique (la disputatio) et des pratiques... more
Ce double numéro de la Revue de synthèse propose d’analyser les querelles et les controverses de l’époque moderne sous l’espèce de la dispute, catégorie qui permet d’articuler un mode rhétorique (la disputatio) et des pratiques contextualisées. En partant d’exemples concrets tirés de l’histoire des sciences comme de la philoso- phie politique, nous prolongeons un travail de réflexion sur les modes de constitution du savoir à l’époque moderne, mais nous plaçons ici l’accent sur les enjeux de la dispute entendue comme principe épistémique et heuristique, et sur son rapport éventuel au politique. Le but de ce travail est en effet de se demander, au-delà d’une analyse précise du concept de dispute, si son élimination constitue l’horizon de toute controverse, de façon à produire une conciliation entre des termes opposés, ou bien si au contraire la dispute n’est pas le fondement même de l’avancée de savoirs : on peut ainsi espérer se donner un moyen d’élaborer un territoire épistémique commun. Dans cette perspective, la communauté ne serait pas le résultat d’un compromis ou d’un consensus, mais bien au contraire le produit d’un désaccord partagé. Il ne s’agit donc pas de comprendre le déroulement de la dispute au prisme de sa résolution, mais plutôt d’en identifier le pouvoir créateur.
- by Anne-Lise REY
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La correspondance entre Leibniz et le physicien hollandais Burcher De Volder, menée de 1698 à 1706, est un texte important pour comprendre la science nouvelle de la puissance et de l’action que Leibniz a inventée et désignée par le... more
La correspondance entre Leibniz et le physicien hollandais Burcher De Volder, menée de 1698 à 1706, est un texte important pour comprendre la science nouvelle de la puissance et de l’action que Leibniz a inventée et désignée par le néologisme de dynamica. Cet ouvrage présente la première traduction en français d’une correspondance cruciale pour saisir le rapport de la dynamique avec la métaphysique. A cet égard, le concept d’action joue un rôle central : il est, sous la plume de Leibniz, l’objet du principe de conservation (l’action motrice) et la caractéristique essentielle de la substance. Ce concept d’action est ambivalent dans la mesure où Leibniz choisit d’utiliser le même terme et de le doter de la même signification (actio in se ipsum) dans les deux champs théoriques distincts que sont la dynamique et la métaphysique. Le concept d’action permet, en effet, à Leibniz de penser le rapport entre le mouvement dans les corps physiques et la série des perceptions dans les substances simples. La dynamique est, par conséquent, un moyen de rendre intelligible la substance.
Cette correspondance est déterminante pour comprendre le renouveau que la dynamique offre à la métaphysique de Leibniz à la fin des années 1690 : l’unité métaphysique de la réalité est assurée et rendue intelligible par l’intégration à la dynamique du lexique métaphysique de l’action. Cette opération conduira au dispositif monadologique de la dernière métaphysique de Leibniz.
Introduction, traduction et notes d’A.-L. Rey, agrégée de philosophie, docteur de l’Université Paris IV-Sorbonne et Maître de conférences en Histoire et Philosophie des sciences à l’Université de Lille I.
Préface de M. Fichant
Cette correspondance est déterminante pour comprendre le renouveau que la dynamique offre à la métaphysique de Leibniz à la fin des années 1690 : l’unité métaphysique de la réalité est assurée et rendue intelligible par l’intégration à la dynamique du lexique métaphysique de l’action. Cette opération conduira au dispositif monadologique de la dernière métaphysique de Leibniz.
Introduction, traduction et notes d’A.-L. Rey, agrégée de philosophie, docteur de l’Université Paris IV-Sorbonne et Maître de conférences en Histoire et Philosophie des sciences à l’Université de Lille I.
Préface de M. Fichant
Paragraph, 2017, 40.1, "Theory of Quarrels", (ed. A. Tadié), p. 43-60.
Ce livre s’intéresse à une rencontre : celle de deux philosophes, mais aussi celle de deux siècles et de deux régimes de pensée. Leibniz (1646-1716) et Diderot (1713-1784) appartiennent à deux traditions en apparence opposées : on associe... more
Ce livre s’intéresse à une rencontre : celle de deux philosophes, mais aussi celle de deux siècles et de deux régimes de pensée. Leibniz (1646-1716) et Diderot (1713-1784) appartiennent à deux traditions en apparence opposées : on associe généralement la pensée leibnizienne aux grands systèmes métaphysiques du XVIIe siècle, et celle de Diderot à la mise en pièces de ces édifices par la voie d’une philosophie expérimentale radicalement antisystématique. Pourtant, plusieurs liens entre les deux œuvres sont visibles, qu’il s’agisse d’emprunts conceptuels ou thématiques par Diderot ou de convergences plus difficiles à circonscrire. Le premier objet de ce livre est d’identifier ces liens et de faire le point sur cette sympathie entre les deux philosophies. Mais ce livre s’intéresse aussi à cette rencontre pour ses effets transformateurs, tant sur le plan des concepts, des thèses et des arguments que sur celui des méthodes. Il s’agit alors de voir comment la rencontre avec le leibnizianisme a nourri la pensée diderotienne, comment la lecture du texte leibnizien par Diderot en modifie le sens, comment elle peut parfois en être une interprétation ou un devenir possible. Pour saisir ces transformations, les auteurs ont examiné divers contextes théoriques dans lesquels les pensées de Leibniz et Diderot dialoguent : métaphysique et philosophie de la nature, épistémologie et philosophie des sciences, théorie de la perception et esthétique. À travers ce dialogue, l’ouvrage contribue à une réflexion générale sur les méthodes requises pour mettre en perspective les rapports entre des philosophies à la fois proches et éloignées.
Archives de Philosophie, 2014, 1, p.63-80