Books / Livres by Valérie Stiénon

Elina Absalyamova, Laurence van Nuijs et Valérie Stiénon (dir.), Figures du critique-écrivain. XIXe – XXIe siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2019., 2019
Du XIXe siècle à nos jours, de nombreux auteurs ont combiné l’écriture de création et la critique... more Du XIXe siècle à nos jours, de nombreux auteurs ont combiné l’écriture de création et la critique littéraire dans le journalisme, l’essai ou la théorie. Leurs écrits témoignent de la partition entre une oeuvre prédominante et une production supposée résiduelle. Mais faire oeuvre signifie aussi intégrer le discours à l’écriture, voire subordonner le texte à son commentaire. Cet ouvrage examine les choix d’une telle pratique et les raisons de sa légitimité problématique. Il montre comment, de l’institution de la critique à la spécialisation culturelle, les classements par l’histoire interagissent avec des catégories intériorisées en (anti)modèles : critique fustigée de Balzac à Morand, critique laboratoire chez Barthes ou Butor, critique professorale reprochée à Sartre, critique poéticienne de Ponge, critique frondeuse de Bayard.

Consacrée aux Physiologies, un ensemble d’environ cent trente textes illustrés de petit format d... more Consacrée aux Physiologies, un ensemble d’environ cent trente textes illustrés de petit format dont la parution est concentrée sur quelques années de l’histoire culturelle française, la thèse s’emploie à penser leur inscription dans une épistémologie de la recherche en littérature, selon une méthode conciliant la démarche poéticienne avec l’étude des modes de production et de sophistication du medium en tant que dispositif esthétique et technique. En six chapitres et à l’aide de plusieurs approches – la sociologie des champs, l’analyse du discours, l’étude du discours social et l’épistémocritique –, il s’agit de resituer ce genre dans l’espace des possibles (P. Bourdieu) formels de la Monarchie de Juillet.
Après un chapitre de contextualisation déterminant la place du paradigme physiologique par rapport à la discipline médicale expansive et au règne médiatique de la "connaissance utile", un second chapitre interroge les orientations intellectuelles qui ont infléchi l’étude de l’objet textuel en lien avec la littérature panoramique (W. Benjamin), ainsi que les raisons qui font du corpus un ensemble de productions "mineures". L’étude des modes de diffusion culturelle montre la réappropriation par la Physiologie de son opérativité sémiotique (plans symbolique et social) et logistique (plan technique), en particulier dans les représentations textuelles affichant un lectorat associé au type traité, une figure d’éditeur en entrepreneur impérieux et un illustrateur en co-énonciateur. L’étude des principaux invariants du genre s’attache ensuite à plusieurs caractéristiques récurrentes telles que le développement d’une fiction d’actualité, la structure taxinomique, le projet éditorial sériel, la composante réflexive et l’usage contre-idéologique du stéréotype.
Le chapitre consacré aux auteurs revient sur leurs trois profils principaux, situables entre la participation aux équipes rédactionnelles du Charivari et de La Caricature, la pratique mêlée du feuilleton, du vaudeville, du roman populaire et la fondation répétée de petites feuilles politiques et littéraires. L’investissement non-exclusif de ces pratiques explique la position d’amateur souvent revendiquée dans les scénographies auctoriales. Un positionnement de groupe se manifeste moins par l’effet d’un phénomène générationnel que par le procédé du panthéon parodique, consolidé par une intertextualité spécifique qui permet aux auteurs de s’entre-désigner en tant que "spirituels collaborateurs".
L’avant-dernier chapitre développe une lecture discursive du laboratoire des identités d’auteurs. La cohésion éditoriale favorise les stratégies de distinction chez des auteurs désireux de particulariser leur contribution à une production surcodée et de recréer, entre petits, les valeurs de l’originalité portées au même moment par la littérature reconnue. L’identité discursive du physiologiste repose sur des scénographies déceptives qui vont au-delà d’un effet dysphorique de lecture et concernent l’économie du dispositif d’énonciation. Le sixième chapitre examine le projet de textualisation du social qui rapproche la Physiologie de l’émergence de certaines formes de proto-sociologie. Les représentations de la vie littéraire sont l’occasion d’observer la fabrique de la consécration dans le champ littéraire français des années 1840-1842 et montrent que le traitement de la référence littéraire se double d’une valorisation par la négative permise par la comparaison qui disqualifie, la référence secondaire qui déclasse, la caricature écrite et le pastiche satirique.
La thèse a eu pour objectif de penser cet objet atypique comme sujet de recherche littéraire et de recherche en littérature. Non seulement le genre parle (de) la littérature et représente le monde littéraire, mais il constitue lui-même un dispositif formel qui a eu des effets dans le champ et il développe des scénarios, des identités et des figures énonciatives qui constituent la richesse d’une littérature en train de se faire et de se dire.
Journal issues / Numéros de revue by Valérie Stiénon

Magali Nachtergael et Valérie Stiénon (dir.), "Ursula K. Le Guin : féminisme et science-fiction", dans ReS Futurae, n°13, juillet 2019. URL : https://journals.openedition.org/resf/, 2019
Longtemps marquée – et encore aujourd’hui – par une image masculine tant du côté des auteurs que ... more Longtemps marquée – et encore aujourd’hui – par une image masculine tant du côté des auteurs que des lecteurs, la science-fiction s’est ouverte à l’autre moitié de l’humanité en grande partie grâce à l’œuvre d’Ursula Kroeber, connue sous son nom de plume Ursula K. Le Guin. Cette autrice intègre dans ses récits des questions directement liées à la femme, à la féminité, ainsi qu’aux valeurs des différentes formes de féminismes qui traversent son œuvre et sa propre réflexion. Les déplacements dans la fiction que propose Le Guin ne manquent pas d’interroger la déconstruction des genres. Il s’agit pour elle de résister doublement à la ghettoïsation éditoriale de la SF en tant que littérature « de genre » et à l’assignation genrée, souvent limitative, des femmes au sein de cette production. Disparue en 2018, elle laisse une œuvre narrative majeure mais aussi des textes critiques qui permettent de recontextualiser les enjeux socio-culturels et imaginaires de ses récits situés dans des univers lointains.

Matthieu Letourneux et Valérie Stiénon (dir.), L’anticipation dans les discours médiatiques et sociaux, dans COnTEXTES. Revue de sociologie de la littérature, n°21, novembre 2018. URL : https://journals.openedition.org/contextes/6494., 2018
Précédant la science-fiction, dont l’émergence est identifiée aux premières collections éditorial... more Précédant la science-fiction, dont l’émergence est identifiée aux premières collections éditoriales spécialisées apparues dans les années 1950, la littérature d’anticipation francophone est rarement considérée pour elle-même au-delà des figures de Jules Verne, Rosny aîné et Maurice Renard. Les études rassemblées dans ce numéro étudient cette production en l'inscrivant dans ses multiples contextes. Elles soulèvent ainsi des questions cruciales : quelle est la part éditoriale, médiatique et collective du genre ? En quoi l’inscription des textes dans des supports de diffusion et des cohérences discursives (feuilleton, livre de prix, littérature pour la jeunesse, vulgarisation) engage-t-elle des discours de sens et de valeurs différents ? Peut-on rendre compte des dynamiques intertextuelles et architextuelles qui organisent et définissent cette production ? Comment les discours sociaux prennent-ils sens dans leurs actualisations médiatiques ?

Valérie Stiénon (dir.), "Utopie et anticipation", numéro 48 de Textyles (Revue des lettres belges de langue française), avril 2016. URL : http://textyles.revues.org/2652
Prolifique dans les littératures de l’imaginaire, la Belgique présente pourtant une inconnue à pr... more Prolifique dans les littératures de l’imaginaire, la Belgique présente pourtant une inconnue à propos du récit d’anticipation. De la fin du monde de Rosny aîné à celle de Luc Dellisse, des aventures spatiales de Bob Morane à la découverte des Cités obscures, du roman scientifique de Henri-Jacques Proumen aux technosciences de Gilbert Hottois, l’anticipation excède les caractéristiques de la science-fiction, croise plus d’une fois l’utopie et redéfinit les rapports entre réel et fiction en une pluralité de mondes possibles. Elle pose des questions cruciales lorsqu’on prend la peine de considérer ses réalisations dans la littérature belge francophone : quels sont les auteurs, les éditeurs et les supports concernés ? existe-t-il des thèmes spécifiques ? quels imaginaires ces fictions privilégient-elles ? comment les genres investis interfèrent-ils avec le merveilleux scientifique, le surréalisme ou le réalisme magique ? En associant des études de cas à une réflexion d’ensemble, les contributions rassemblées dans ce numéro proposent le premier état des lieux d’une production hybride encore peu considérée. Il s’agit d’éclairer la diversité qui caractérise l’anticipation belge, mais aussi de mettre en évidence les raisons de sa faible reconnaissance esthétique et de poser les jalons d’une histoire littéraire capable de saisir des dynamiques multiples de légitimation.

Interférences littéraires, May 2012
Interroger la pertinence de la notion de « littérature panoramique », appliquée par Walter Benjam... more Interroger la pertinence de la notion de « littérature panoramique », appliquée par Walter Benjamin à un ensemble composite d’études de moeurs du XIXe siècle, à partir de corpus français, belge, anglais, belge, allemand, espagnol, autrichien : tel est l’enjeu de ce numéro. Si ce modèle heuristique, emprunté au spectacle du panorama, semble bien rendre compte de la « pulsion scopique », liée à l’avènement de l’état social démocratique, qui sous-tend ces textes et se manifeste par des effets de spécularité et de réflexivité ; si, par sa vocation unifiante, elle met en lumière la dialectique du même et de l’autre, de l’universel et de l’individuel héritée des Lumières, qui les caractérise, elle peut aussi relever de l’illusion d’optique. On se livre donc ici à une critique de la raison panoramique, à une critique aussi de la raison critique en scrutant le moment où, dans chaque pays concerné, la « littérature panoramique » se constitue en objet d’étude et en question. Ce numéro se veut tout à la fois l’antichambre et le tremplin d’un site d’étude interdisciplinaire en préparation, « Sociorama », consacré à la littérature panoramique internationale.

COnTEXTES, revue de sociologie de la littérature, n° 10, Apr 2012
Les articles réunis dans ce numéro sont issus de la réflexion menée dans le cadre du colloque int... more Les articles réunis dans ce numéro sont issus de la réflexion menée dans le cadre du colloque international organisé par le groupe COnTEXTES à l’Université de Liège, les 12 et 13 mai 2011. Ces deux journées ont été désignées par un titre dans lequel chaque mot compte : « Querelles d’écrivains (XIXe-XXIe siècles) : de la dispute à la polémique. Médias, discours et enjeux ». Soulignons d’abord le choix chronologique consistant à initier la réflexion au seuil du XIXe siècle, siècle d’autonomisation du champ littéraire qui voit s’internaliser les « règles du jeu » et se spécifier pratiques et discours, et à étendre cette réflexion jusqu’aux débuts du XXIe siècle, témoin de l’affirmation croissante d’un rôle public de l’écrivain en intellectuel ou en personnalité médiatique. Avouons ensuite l’ébauche d’hypothèse selon laquelle une certaine définition relationnelle régirait les rapports entre dispute et polémique : d’une part, il y existerait une différence entre ces deux phénomènes situables dans la catégorie plus générale de la querelle qui semble ainsi les subsumer ; d’autre part, une évolution temporelle et/ou une progression logique feraient de la polémique une amplification ou un dépassement de la dispute.
De telles distinctions conceptuelles ne vont pas de soi. Elles appelaient, sinon un bilan exhaustif, du moins un parcours transversal ciblé sur quelques-unes des nombreuses interrogations que suscite le phénomène multifactoriel de la querelle lorsqu’il concerne des écrivains. Car c’est bien la question liminaire de ce numéro de COnTEXTES : y a-t-il une spécificité de la querelle en littérature ? Il semble que la réponse soit à chercher dans les caractéristiques disciplinaires qui guident la définition d’une telle spécificité, doublement rapportable au rôle fondamental de l’illusio dans la dynamique du champ littéraire et au statut de médium de la littérature, capable de constituer des prises de positions – dans les trois sens d’être, de former et d’établir.
Methis. Interdisciplinarité en sciences humaines et sociales, n° 3, Oct 2012
La réflexivité semble coextensive aux pratiques de la recherche. Il convient toutefois de nuancer... more La réflexivité semble coextensive aux pratiques de la recherche. Il convient toutefois de nuancer ce constat, car elle revêt des formes très diverses selon les disciplines et recouvre des questions différentes en fonction des objets mis à l’étude. Loin d’être circonscrite aux pratiques de la connaissance, elle touche aussi les domaines artistiques et, plus généralement, elle concerne les opé rations où interviennent le langage et la pensée. C’est toute l’étendue et la diversité de ces manifestations que ce numéro entreprend de considérer, selon
quatre axes de recherche : champ sémantique, procédés rhétoriques, modes et degrés de présence, contextes d’usage.

Revue Signata - Annales des sémiotiques, Feb 2015
La question des liens entre sémiotique et littérature amène à poser un regard rétrospectif sur un... more La question des liens entre sémiotique et littérature amène à poser un regard rétrospectif sur une période qui paraît aujourd’hui révolue. L’émergence de la sémiotique comme discipline institutionnalisée est en effet contemporaine d’un profond changement de paradigme dans les approches du texte littéraire. Au cours de la décennie 1960, la rencontre entre sémiotique et littérature produit, en un temps très bref, un nombre considérable de concepts et d’instruments d’analyse, qui vont de la théorie du dialogisme et de la polyphonie à la sémanalyse en passant par la narratologie et la sémantique structurale. L'objectif de ce dossier est de saisir cette rencontre dans la perspective d’une histoire des idées, en éclairant ce qui, dans la conjoncture des années 1960, a pu favoriser la convergence, avant de la rendre caduque ou obsolète. Une place est également réservée aux témoignages pour laisser entendre, dans un souci d'historicisation, la voix d'acteurs importants de ces années sémio-littéraires: Philippe Hamon, le groupe Mu, Marc Angenot.
Papers / Articles by Valérie Stiénon

Valérie Stiénon, « Les fins du monde font-elles genre ? Ou comment reconnaître une dystopie quand on en lit une », dans Émilie PÉZARD et Valérie STIÉNON (dir.), Les genres du roman au XIXe siècle, Classiques Garnier, coll. « Rencontres », 2022, pp. 313-335
Les récits d’anticipation dépeignant une extinction imminente de l’espèce humaine, une société al... more Les récits d’anticipation dépeignant une extinction imminente de l’espèce humaine, une société aliénante ou un contexte urbain anxiogène semblent relever d’une même fiction dystopique tout en la déclinant selon des thématiques, dans des formes et sur des supports différents. On peut dès lors se demander s’il existe une grille de lecture commune à ces diverses productions en mots et en images qui foisonnent dans l’aire culturelle francophone pour la période allant de 1800 à 1950. Ces œuvres relèvent-elles du même genre ? La question en recouvre au moins deux : les assimilons-nous à un même ensemble ; les lecteurs de l’époque les lisaient-elles comme faisant partie d’un ensemble ? À partir de ce corpus hybride, il s’agit de réfléchir aux critères de généricité régissant des classes de textes hétérogènes et constituées, en partie, rétrospectivement.

Valérie Stiénon, « Un panorama du temps. Robida chroniqueur des expositions universelles », dans Claire BAREL-MOISAN et Matthieu LETOURNEUX (dir.), Albert Robida. De la satire à l’anticipation, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2022, pp. 64-87, 2022
Parce qu’elle occupe une place centrale et matricielle dans la culture d'une époque, l’exposition... more Parce qu’elle occupe une place centrale et matricielle dans la culture d'une époque, l’exposition universelle est un sujet prisé par les journalistes et les romanciers. En 1867, 1878, 1889 et 1900, Albert Robida est le témoin actif de quatre de ces événements, qu’il dessine, commente et transpose. L’influence des discours et des représentations des expositions parisiennes permet d’observer comment son œuvre conjecturale s’élabore en contexte et sur divers supports. Loin de se limiter à la trilogie formée par Le Vingtième Siècle, La Guerre au vingtième siècle et La Vie électrique, l’anticipation est chez lui inscrite dans une pratique médiatique, graphique et éditoriale du panorama, en constant dialogue avec un intertexte d’actualité susceptible de mettre en perspective et en tension le futur de la modernité et du progrès.

Valérie Stiénon, « La littérature industrielle est-elle une littérature populaire ? Réflexions sur un corpus (1830-1850) », dans Le Pardaillan. Revue des littératures populaires et cultures médiatiques, n°9 « LEGIPOP : Valeurs critiques et littérature populaire », août 2021, pp.39-50., 2021
Les études des fictions populaires françaises hésitent à tenir compte des années 1830-1850. Certe... more Les études des fictions populaires françaises hésitent à tenir compte des années 1830-1850. Certes, on épingle avec évidence les dates de 1836 pour « l’an 1 de l’ère médiatique » et de 1842-1843 pour le premier phénomène de mondialisation culturelle que constituent Les Mystères de Paris, à l’origine du genre des mystères urbains à forte diffusion internationale. On considère aussi volontiers les débuts du roman-feuilleton et ses vedettes passées du journal au roman, à l’image d’Alexandre Dumas père. On repère enfin des thèmes et des codes repris ultérieurement par le récit criminel, le roman d’aventures ou la bande dessinée, ce qui fait de la période un important laboratoire générique, fondateur de la plupart des genres romanesques populaires. Pourtant, malgré ces éléments significatifs, on va rarement au-delà de la désignation clivante entre bonne et mauvaise littérature choisie en 1839 par Sainte-Beuve dans sa dénonciation d’une littérature "industrielle" à partir d’arguments contre l’invasion de la spéculation, la diminution de l’exigence intellectuelle et la dilution de la copie dans la matière du journal. En adoptant une approche plus large, qui tient compte des degrés de légitimation et des rapports entre le populaire et le canonique, cet article rappelle que le champ littéraire est le domaine d’une étroite articulation entre ses deux sous-champs de grande production et de production restreinte. Il montre aussi un savoir-faire des auteurs, qui associent la maîtrise de la labilité des frontières génériques à une intériorisation des critères du marché éditorial et médiatique.

Valérie Stiénon, « La mystification », dans Matthieu LETOURNEUX et Alain VAILLANT (dir.), L’Empire du rire (XIXe-XXIe siècles), Paris, CNRS Éditions, 2021, pp. 359-375., 2021
Incitant à rire aux dépends d'autrui, la mystification repose sur une logique victimaire dont ell... more Incitant à rire aux dépends d'autrui, la mystification repose sur une logique victimaire dont elle tire ses effets. Elle a aussi partie liée avec les dispositifs médiatiques, dans la mesure où elle isole un élément familier dans une portion du quotidien – scène de rue, échange téléphonique, émission télévisée, communication entre un créateur et son public –, pour le détourner de ses fonctions habituelles et en faire un sketch animé d’une dynamique interactive. Dans ce jeu de dupes, les participants les plus impliqués, c’est-à-dire les cibles, ignorent temporairement le rôle véritable qui leur est donné à jouer, tandis que les témoins amusés contemplent une représentation médiée, scénographiée, du réel. Le canular produit ainsi un spectacle à l’insu de ses acteurs principaux et à destination de ceux qui, aux premières loges, assistent à la transformation de leur réalité en une situation improbable et divertissante. Une part importante est assumée à cet égard par les auxiliaires du dévoilement de l’imposture, d'autant plus que les circonstances de la réception et les aptitudes au décodage sont essentielles à l'éclatement du rire. La mystification questionne par ailleurs la réversibilité des signes du vrai et du faux et n'est pas à confondre avec la supercherie qui n’a d’existence qu’aussi longtemps qu’elle n’est pas décelée. Réfléchissant à ces logiques du rire de mystification, le chapitre questionne ses modalités communicationnelles, sociales, esthétiques et posturales.

Valérie Stiénon, « Bande dessinée et caricature, une affinité décisive (1830-1890) », dans Alexis LÉVRIER et Guillaume PINSON (dir.), Presse et bande dessinée. Une aventure sans fin, Paris/Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2021, pp. 31-49., 2021
Il existe plusieurs manières de considérer la bande dessinée comme un genre à part entière. Une a... more Il existe plusieurs manières de considérer la bande dessinée comme un genre à part entière. Une approche essentialiste centrée sur la spécificité logique et formelle voit la bande dessinée comme un art séquentiel. Une approche institutionnelle s’attache plutôt à examiner comment elle a été nommée, catégorisée et reconnue pour elle-même. On sait que Rodolphe Töpffer joue un rôle crucial dans ces deux aspects génériques : il propose la désignation d’« histoires en estampes », repère la singularité d’une forme, en esquisse une théorie, s’en fait le promoteur et le praticien. Mais il convient d’aborder aussi la bande dessinée d’un point de vue interactionnel. Par ses supports, ses publics, ses auteurs, elle est une création médiatique qui relève d’une dimension collective, hybride et dynamique. Elle doit beaucoup aux séries d’estampes de la petite presse. En parcourant celles de Cham, de Daumier, de Nadar, entre autres, cette étude tente d'évaluer dans quelle mesure la caricature, avec son langage graphique, ses techniques et ses sociabilités, a constitué un paramètre décisif dans l’émergence de l’art séquentiel au XIXe siècle, à l’entrée de l’ère médiatique qui coïncide avec ces années 1830.

Valérie Stiénon, « Banalité, délégitimation, oubli : des conditions du ratage en littérature », dans COnTEXTES, n°27, « Autopsie de l’échec littéraire » (dir. Christophe Bertiau et Chanel de Halleux), juillet 2020.
L’échec gagne à être considéré autrement que par défaut, comme une absence de réussite, tout part... more L’échec gagne à être considéré autrement que par défaut, comme une absence de réussite, tout particulièrement en littérature. Il y connaît d’ailleurs une rentabilité particulière, selon les époques et les configurations du champ, qui peuvent opérer un renversement et motiver une lecture valorisante de réhabilitation ou de redécouverte. Mais peut-on définir l’échec littéraire par un certain nombre de caractéristiques propres ? Il semble réunir une double dimension, à la fois empirique de tentative effective et déclarative de formulation d’un projet. Or, on sait combien il est difficile en littérature de faire la part du discours et de l’acte, tant ils sont mêlés, et de les appréhender de manière univoque, tant y règne la polysémie. En croisant les deux critères de la valeur et de la cause de l'échec, cet article propose quelques typologies cherchant à cerner un phénomène multifactoriel. L'article distingue trois tendances qui mènent à la production de certaines formes d’échec en littérature et qui sont susceptibles d’expliciter les logiques de l’exclusion d’une position avantageuse : la banalité, la délégitimation, l’oubli.
Valérie Stiénon, « De l’étude de mœurs au roman de mœurs, et vice versa », dans Pierre DUFOUR, Bernard GENDREL et Guy LARROUX (dir.), Le roman de mœurs : un genre roturier à l’âge démocratique, Paris, Classiques Garnier, coll. « Rencontres », 2019, pp. 23-36., 2019
Le roman de moeurs oppose une résistance à l ’étude de sa généricité en raison de la difficulté à... more Le roman de moeurs oppose une résistance à l ’étude de sa généricité en raison de la difficulté à penser ensemble les critères historiques et formels qui peuvent le définir. Sa lecture croisée avec l ’étude de moeurs développée par la littérature panoramique des années 1830-1840 rappelle la nécessité d’une approche contextuelle faisant la part belle aux supports, aux dispositifs éditoriaux et aux visées cognitives des textes, qui procèdent bien souvent d’un même projet d’écriture mêlant sociographie et fiction.

Valérie Stiénon, « Penser l’anticipation par le discours social. Variations sur le radium », dans Claire BAREL-MOISAN et Jean-François CHASSAY (dir.), Le roman des possibles : l’anticipation dans l’espace médiatique francophone (1860-1940), Presses universitaires de Montréal, pp. 297-318, 2019
L’approche contextuelle et médiatique de l’anticipation permet de réévaluer ses cadres de lecture... more L’approche contextuelle et médiatique de l’anticipation permet de réévaluer ses cadres de lecture, trop souvent limités à l’alternative entre le prophétisme du texte supposé visionnaire et l’obsolescence de l’événement non advenu ou passé de mode. Sortir de ce binarisme nécessite d’étudier comment l’anticipation, considérée comme un ensemble de textes faisant intervenir une composante conjecturale, interagit avec les productions participant au même discours social. L'article analyse la fureur pour le radium qui s’empare du premier tiers du XXe siècle, sur une période d’environ quarante années, allant de la découverte des rayons X par Röntgen en 1895 et de la radioactivité par Becquerel en 1896 puis du radium par le couple Curie en 1898, jusqu’à la mort de Marie Curie en 1934. Cet engouement constitue un cas intéressant pour interroger les possibles de la science, l’extension de l’imaginaire social par ses applications au quotidien et ses modalités de mise en récit, entre réalité, croyance et fiction.

Elina Absalyamova, Laurence van Nuijs et Valérie Stiénon, « Cerner les figures du critique-écrivain : quelques réflexions transversales », dans Figures du critique-écrivain (XIXe – XXIe siècles), Presses Universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2019, pp. 7-28.
Du XIXe siècle à nos jours, de nombreux auteurs ont combiné l'écriture de création et une pratiqu... more Du XIXe siècle à nos jours, de nombreux auteurs ont combiné l'écriture de création et une pratique de critique littéraire. Que l'on pense aux figures de Sainte-Beuve, Jean-Paul Sartre, Roland Barthes, François Nourissier ou encore Julia Kristeva : leurs oeuvres signalent toutes une partition plus ou moins explicite entre une production majeure ou principale et une oeuvre « résiduelle ». Au vu de la diversité des rapports revendiqués, perçus et imaginés entre la critique et la création, nous avons fait le choix de désigner notre objet comme les "figures du critique-écrivain", où « figures » peut s’entendre au triple sens identitaire, postural et rhétorique. Cet article propose de réfléchir aux formes et aux enjeux que prend la relation critique depuis l'institutionnalisation qu'elle connaît au XIXe siècle jusqu'aux formes plus récentes du commentaire littéraire.
Valérie Stiénon, « Qui sont les auteurs Aubert ? La figure auctoriale en régime promotionnel », dans Brigitte DIAZ (dir.), L'auteur et ses stratégies publicitaires au XIXe siècle, Presses universitaires de Caen, 2019, pp. 119-132.
Si l’auteur ne peut se faire un nom sans publicité, parvient-il pour autant à exister lorsque tou... more Si l’auteur ne peut se faire un nom sans publicité, parvient-il pour autant à exister lorsque tout n’est que publicité ? C’est la question que pose l’équipe d’écrivains et de dessinateurs de la maison Aubert, spécialisée dans le commerce de l’estampe lithographique sous la Monarchie de Juillet. Cet article examine les modalités de la figure d’auteur dans un réseau et des supports participant des stratégies promotionnelles de l’ère médiatique naissante.

Valérie Stiénon, « Du journal au joujou. Sur les objets en papier de la librairie pittoresque (1830-1860) », dans Marie-Ève THERENTY et Adeline WRONA (dir.), Objets insignes, objets infâmes de la littérature, Paris, Éditions des Archives Contemporaines, 2019, pp. 151-161. , 2019
La civilisation du journal ne voit pas seulement apparaître une circulation accrue des idées, u... more La civilisation du journal ne voit pas seulement apparaître une circulation accrue des idées, une extension du lectorat, un mode d’information tissé de romanesque et de nouveaux rythmes liés à la quotidienneté. Elle instaure aussi un rapport spécifique à l’objet en papier. À l’heure où triomphe la chose imprimée, la culture médiatique est éminemment matérielle : manipulations, appropriations, circulations invitent à considérer les usages concrets du livre, du journal, de la brochure et de l’affiche, depuis les modes d’étalage à la vente jusqu’aux modalités de collection du livre et de conservation du roman-feuilleton, en passant par le démembrement du tract et le recyclage de l’affiche. Cet article examine les objets en papier produits par les éditeurs de pittoresques et de littérature panoramique dans les années 1830-1860 en France.
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Books / Livres by Valérie Stiénon
Après un chapitre de contextualisation déterminant la place du paradigme physiologique par rapport à la discipline médicale expansive et au règne médiatique de la "connaissance utile", un second chapitre interroge les orientations intellectuelles qui ont infléchi l’étude de l’objet textuel en lien avec la littérature panoramique (W. Benjamin), ainsi que les raisons qui font du corpus un ensemble de productions "mineures". L’étude des modes de diffusion culturelle montre la réappropriation par la Physiologie de son opérativité sémiotique (plans symbolique et social) et logistique (plan technique), en particulier dans les représentations textuelles affichant un lectorat associé au type traité, une figure d’éditeur en entrepreneur impérieux et un illustrateur en co-énonciateur. L’étude des principaux invariants du genre s’attache ensuite à plusieurs caractéristiques récurrentes telles que le développement d’une fiction d’actualité, la structure taxinomique, le projet éditorial sériel, la composante réflexive et l’usage contre-idéologique du stéréotype.
Le chapitre consacré aux auteurs revient sur leurs trois profils principaux, situables entre la participation aux équipes rédactionnelles du Charivari et de La Caricature, la pratique mêlée du feuilleton, du vaudeville, du roman populaire et la fondation répétée de petites feuilles politiques et littéraires. L’investissement non-exclusif de ces pratiques explique la position d’amateur souvent revendiquée dans les scénographies auctoriales. Un positionnement de groupe se manifeste moins par l’effet d’un phénomène générationnel que par le procédé du panthéon parodique, consolidé par une intertextualité spécifique qui permet aux auteurs de s’entre-désigner en tant que "spirituels collaborateurs".
L’avant-dernier chapitre développe une lecture discursive du laboratoire des identités d’auteurs. La cohésion éditoriale favorise les stratégies de distinction chez des auteurs désireux de particulariser leur contribution à une production surcodée et de recréer, entre petits, les valeurs de l’originalité portées au même moment par la littérature reconnue. L’identité discursive du physiologiste repose sur des scénographies déceptives qui vont au-delà d’un effet dysphorique de lecture et concernent l’économie du dispositif d’énonciation. Le sixième chapitre examine le projet de textualisation du social qui rapproche la Physiologie de l’émergence de certaines formes de proto-sociologie. Les représentations de la vie littéraire sont l’occasion d’observer la fabrique de la consécration dans le champ littéraire français des années 1840-1842 et montrent que le traitement de la référence littéraire se double d’une valorisation par la négative permise par la comparaison qui disqualifie, la référence secondaire qui déclasse, la caricature écrite et le pastiche satirique.
La thèse a eu pour objectif de penser cet objet atypique comme sujet de recherche littéraire et de recherche en littérature. Non seulement le genre parle (de) la littérature et représente le monde littéraire, mais il constitue lui-même un dispositif formel qui a eu des effets dans le champ et il développe des scénarios, des identités et des figures énonciatives qui constituent la richesse d’une littérature en train de se faire et de se dire.
Journal issues / Numéros de revue by Valérie Stiénon
De telles distinctions conceptuelles ne vont pas de soi. Elles appelaient, sinon un bilan exhaustif, du moins un parcours transversal ciblé sur quelques-unes des nombreuses interrogations que suscite le phénomène multifactoriel de la querelle lorsqu’il concerne des écrivains. Car c’est bien la question liminaire de ce numéro de COnTEXTES : y a-t-il une spécificité de la querelle en littérature ? Il semble que la réponse soit à chercher dans les caractéristiques disciplinaires qui guident la définition d’une telle spécificité, doublement rapportable au rôle fondamental de l’illusio dans la dynamique du champ littéraire et au statut de médium de la littérature, capable de constituer des prises de positions – dans les trois sens d’être, de former et d’établir.
quatre axes de recherche : champ sémantique, procédés rhétoriques, modes et degrés de présence, contextes d’usage.
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