Department of History

par Olivier Marin En ce 9 janvier 1433, la centaine de clercs et de laïcs composant la délégation hussite séjournait depuis cinq jours à Bâle, sur les bords du Rhin. Elle attendait encore d'y être reçue en audience par le concile quand, d'après le rédacteur anonyme du Liber diurnus, ils se réunirent tous à l'heure des vêpres et l'archevêque de Lyon susmentionné [Amédée de Talaru] vint avec deux docteurs parisiens au milieu des Bohêmes. Après en avoir été honorablement reçu, il présenta la légation qu'il avait reçue de son maître, le roi très chrétien de France, à laquelle il était tenu par sa foi, sa parole d'honneur et comme par serment, disant entre autres choses que le roi gardait en mémoire les bienfaits dont le roi de Bohême Jean l'Aveugle les avait comblés et comment la fille de certain roi de Bohême avait été donnée en mariage à certain Français, dont lui-même tirait son origine et sa naissance : c'est pourquoi il engageait ses légats à rendre service aux Bohêmes et à leur être agréables, autant que possible. 1 Les intéressés ne répondirent pas aussitôt, mais le firent en deux temps. Le 12 janvier, d'abord, les délégués hussites exprimèrent à l'archevêque leur gratitude, tout en précisant qu'ils n'attendaient pas de sa part d'autre aide que l'adhésion à la vérité dont ils se prétendaient 1.

Crime et sexualité dans la France contemporaine L'Affaire Nozière. La parole sur l'inceste et sa réception sociale dans la France des années 1930 Anne-Emmanuelle DEMARTINI En 1933, la jeune parricide Violette Nozière défraie la chronique judiciaire. La presse l'érige en criminelle emblématique de la France des années 1930, le groupe surréaliste en égérie poétique. Pour l'historien qui s'y intéresse, cette affaire judiciaire restée fameuse affi che d'emblée le visage de l'intemporel et du mythe. Que ce soit sous la plume de Guy Rosey, évoquant « le bras d'OEdipe toujours vert le long des siècles », d'André Breton, disant de Violette Nozière qu'elle est « mythologique jusqu'au bout des ongles », ou de Paul Eluard, dans le fameux décasyllabe qui clôt son poème sur « l'affreux noeud de serpent des liens du sang », en référence aux Choéphores d'Eschyle, le recueil que les surréalistes ont consacré à Violette Nozière souligne la densité symbolique de l'affaire 1. À cet égard, la parole des artistes rejoint le discours des journalistes qui ont déroulé, d'article en article, les actes d'une tragédie familiale placée sous les auspices d'Eschyle et de Sophocle. C'est que dans cette affaire judiciaire se trouvent noués le parricide et l'inceste, soit la transgression de deux tabous fondamentaux, étroitement liés l'un à l'autre, qui fondent la fi liation et le lien social, conformément aux analyses célèbres de Freud. La conformité au schéma mythologique n'est cependant pas complète, puisque l'auteur de l'inceste est ici non pas l'auteur du parricide comme OEdipe, mais sa victime. Est ou serait, car parricide et inceste n'ont pas eu le même statut, le premier ayant été un fait constaté et le second un fait non prouvé et discuté. Pour expliquer son parricide, en effet, Violette Nozière a accusé son père de l'avoir violée, mais cette accusation n'a pas été retenue au terme de l'instruction judiciaire, et reste d'ailleurs encore attachée à ce fait divers comme un mystère non élucidé. Dans le sillage des travaux sur les affaires judiciaires qui s'installent dans le paysage historiographique, la réfl exion ici menée reprend le dossier 1.

N.B. Ce document est la version de travail adressée à l'éditeur. Il est donc, à de très rares exceptions près, conforme dans son contenu à la version publiée, mais ni la pagination, ni la numérotation des notes ne sont celles de la version publiée. Ce texte est protégé par les restrictions du droit d'auteur et le copyright de l'éditeur. Le 22 août 1963, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rouen prononce la réhabilitation de Violette Nozière, veuve Coquelet. C'est le terme d'un parcours judiciaire marqué par une condamnation à mort à la cour d'assises de la Seine le 12 octobre 1934 : un parcours exceptionnel, même si-contrairement à ce qu'on lit souvent 1-ce n'est pas la première fois que l'auteur d'un crime de droit commun condamné à la peine capitale est réhabilité 2. Pour apprécier ce parcours, il faut néanmoins revenir au crime qui l'a initié, en 1933, et qui a fait de Violette Nozière une sombre icône du mal dans la France des années trente 3. Un soir d'été, Violette Nozière empoisonne ses parents avec un barbiturique. Son père, Baptiste Nozière, décède, tandis que sa mère, Germaine Nozière, survit au drame. L'énormité du crime a frappé les contemporains : Violette Nozière a commis un parricide, ce crime qui culmine au sommet de l'échelle pénale. Au parricide, elle a ajouté, qui plus est, le matricide, crime particulièrement répulsif en raison du lien premier noué pendant la gestation entre la mère et l'enfant. La réception sociale du crime de Violette Nozière est donc liée à la radicalité d'un double parricide, geste aux limites du pensable et du représentable, qui rompt toute

Distribution électronique Cairn.info pour Editions Raison publique. © Editions Raison publique. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

N.B. Ce document est la version de travail adressée à l'éditeur. Il est donc, à de très rares exceptions près, conforme dans son contenu à la version publiée, mais ni la pagination, ni la numérotation des notes ne sont celles de la version publiée.Ce texte est protégé par les restrictions du droit d'auteur et le copyright de l'éditeur. Dans un décor fastueux, noir et or, un banquet est dressé ; on entend des chansons à boire et les premiers accords du De profundis. Un cortège de pénitents noirs prend place devant cinq cerceuils tendus de noir. Alors, vêtue de noir, la maîtresse de cérémonie fait son apparition et lance aux convives un sinistre avertissement « vous êtes tous empoisonnés » 1. A la Porte Saint Martin, en 1831, le public est saisi par ce grand spectacle macabre orchestrée par la belle et satanique Lucrèce Borgia, réinventée par Victor Hugo. L'empoisonneuse sublime de la scène romantique n'a pas grand chose à voir avec Marie Lafarge, condamnée aux travaux forcés à perpétuité en 1840 pour avoir empoisonné son mari dans un sinistre manoir du fin fond de la Corrèze ou avec la jeune Violette Nozière, qui a tué son père avec des barbituriques et dont la sombre silhouette emplit, au coeur des années trente, les pages des quotidiens. Non plus qu'avec la garde malade van der Linden, de Leyde, dont la cohorte impressionnante des victimes-200 personnes dont 27 sont décédéesalimente la réflexion savante par delà les frontières nationales. Mais, personnage littéraire mythique, visages célèbres de chronique judiciaire, cas criminologique, tous contribuent à construire la figure fascinante de l'empoisonneuse, se dessinant à chaque fois sur le fond d'un lieu de production spécifique. La période considérée ici s'étend du début du XIXe siècle jusqu'aux premières décennies du XXe siècle, soit en gros de Marie Lafarge à Violette Nozière, si l'on choisit de prendre pour repères significatifs des visages de tribunaux. Sur l'ensemble de cette période, l'empoisonnement, statistiquement, est un crime relativement marginal, comparativement aux autres crimes commis contre les personnes2. De plus, la série statistique du ministère de la Justice, qui débute en 1826, publiée sous le titre de Compte général de l'administration de la justice criminelle en France, établit qu'après une première période de croissance qui culmine dans les années 1836-1840, la courbe des poursuites pour empoisonnement décroît de manière progressive et sensible3. Mais à rebours de ce 1 V. Hugo, Lucrèce Borgia, Acte III, scène 1 et scène 2. Le cahier de mise en scène renseigne sur les détails du décor. Voir la belle thèse de Sylvain Ledda, Des feux dans l'ombre. La représentation de la mort sur la scène romantique, à paraître à Paris, chez Honoré Champion. 2 A titre indicatif, on notera qu'en 1835, sur un total de 2463 accusés poursuivis pour crimes contre les personnes, on comptait 18 accusés d'empoisonnement (Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pendant l'année 1835,

Bras rouges, bruit sourd, brouhaha de la foule. L'expérience sensorielle de l'exécution capitale dans la ville du XIX e siècle Anne-Emmanuelle Demartini De plus en plus réprouvée par les sensibilités nouvelles, la peine de mort a été maintenue au xixe siècle, mais son rituel a été aménagé dans le sens de plus de rapidité et de discrétion. Parallèlement, et après deux décennies de sévérité pénale, le nombre des condamnations capitales a baissé durant le siècle et plus encore celui des exécutions, sous l'effet notamment de l'introduction des circonstances atténuantes dans le droit pénal (1832) et de l'usage plus fréquent de la grâce1. Deux publications récentes viennent encore d'éclairer cette histoire de l'exécution capitale au xixe siècle, désormais assez bien connue. L'histoire de la peine de mort de Pascal Bastien qui va jusqu'en 1800 éclaire l'amont de cette histoire et la thèse en sciences politiques d'Emmanuel Taïeb offre une étude du dernier tiers du siècle sous l'angle de la contestation du caractère public des exé-cutions2. Cette contribution entend évoquer des faits et des évolutions connues, mais en les ordonnant vers la saisie de l'expérience sensorielle de l'exécution capitale au xixe siècle. Malgré des notations intéressantes dans les travaux de Laurence Guignard et les belles pages consacrées à l'exécution par Simone Delattre dans son livre sur la nuit parisienne, cette approche de l'exécution capitale n'a pas été vraiment développée3. Le corpus sur lequel on s'appuie est

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De la Terminale à la Licence : ruptures ? S'inscrit dans le cadre du projet « Réussite en Licence » : une recherche-action associant l'Université Paris Diderot (UFR GHES et Département LSH) avec les lycées Maurice Genevoix (Montrouge) et Jean Monnet (Paris 13). Objectifs : •Comprendre les difficultés de nos étudiants ; •Identifier les ruptures et les continuités entre la Terminale et la L1 ; •Tester de nouveaux dispositifs pour aider les nouveaux étudiants à surmonter leurs difficultés.

Ensemble articule d'une trentaine d'etudes sur les femmes et la justice, cet ouvrage constitue la premiere synthese sur ce sujet peu connu qui s'intercale entre le domaine du droit en amont, et celui de la peine – et notamment de la prison – en aval. Il se concentre sur l'histoire contemporaine de quelques pays occidentaux, particulierement la France et le Canada. Femmes et justice : ce theme dessine d'abord les contours d'une histoire specifique, celle des illegalismes feminins (vol domestique, infanticide, avortement, prostitution) du XIXe et du debut du XXe siecle... Le fonctionnement judiciaire, marque par la differenciation des sexes, est aussi mis en lumiere. Cette asymetrie qui produit tantot de l'indulgence, tantot un surcroit de severite a rencontre des femmes jugees s'explique en partie par les representations collectives qui erigent en modele la femme-mere, douce et soumise. Toute deviance parait des lors monstrueuse : la criminelle occupe ...