Cet article présente d'abord l'interprétation par Dieter Henrich de l'épistémologie de Max Weber ... more Cet article présente d'abord l'interprétation par Dieter Henrich de l'épistémologie de Max Weber à partir du problème de la constitution moderne et occidentale de la subjectivité par la rationalité. On applique cette grille de lecture à l'ensemble de l'oeuvre de Weber qui défend une conception originale de la subjectivité occidentale : elle n'a plus accès à l'absoluité du Geist et a affaire à un monde fini, où les fins ultimes sont indécidables ; cela la conduit à la pratique d'une ascèse intérieure afin de se rationaliser de fond en comble par une méthode de soi, un contrôle de soi qui s'extériorise extérieurement dans le Beruf ; enfin elle subit la pression de la communauté qui l'incite à un tel contrôle de soi. Ainsi, l'intériorité subjective, angoissée par la disparition des fins ultimes et absolues, se contrôle par la rationalisation dans l'interaction avec l'extériorité communautaire qui la contrôle aussi. On identifie ainsi, dans la pensée wébérienne du sujet moderne, une généalogie de l'intériorité.
DRAFT. L'ouvrage est disponible ici : https://www.puf.com/jean-louis-chretien-et-la-philosophie
"... more DRAFT. L'ouvrage est disponible ici : https://www.puf.com/jean-louis-chretien-et-la-philosophie "La pensée de Jean-Louis Chrétien a pour tonalité fondamentale l'humilité, la grande vertu de Bernard de Clairvaux. Il faut donc, pour l'interpréter, entendre les autres voix qui parlent dans la sienne, selon une métaphore qu'il ne cessait de tisser. Mon propos, ici, sera de comprendre le type de phénoménologie qui lui fut propre, à partir de deux thématiques fondamentales liées à la subjectivité. D'une part, la figure que nous appelons « psycho-théologique », qui concerne la façon dont la tradition augustinienne a pensée une sujet avant le sujet, ou encore un affect plus ancien que la substance subjective qui peut accueillir la transcendance infinie. Cet affect a pu revêtir le nom de la joie, qui élargit le sujet pour le grossir de la transcendance qu'il ne peut pas accueillir - thématique à bien des aspects lévinassienne. C'est principalement dans la Joie spacieuse que nous examinerons la façon dont Chrétien dialogue avec Augustin pour élaborer la phénoménologie d'une telle subjectivité à la fois profondément fragile et ouverte. Dans un deuxième temps, j'analyserai une thématique peut-être moins visible chez Jean-Louis Chrétien (et plus largement en phénoménologie), celle de la communauté qui doit être phénoménologiquement prise en compte pour comprendre la donation elle-même : si je ne suis jamais seul à accueillir le donné, c'est qu'un nous travaille de façon plus ancienne la subjectivité que le je. C'est une thématique sociale : penser l'intentionnalité comme visée d'un sujet vers des objets qui se donnent à lui, c'est refuser que l'intentionnalité soit d'abord et avant tout sociale, voire communautaire, au sens où en moi plusieurs autres sujets visent les objets que je crois viser par moi-même. Levinas a vu ce phénomène à partir de la thématique tu tiers ; Chrétien l'a prolongé à partir de la communauté monachique. Ainsi a-t -il transmis à la phénoménologie la tradition et les outils afin de penser le sujet toujours déjà communautarisé. C'est Totalité et infini d'Emmanuel Levinas qui sera à l'arrière-plan constant de cet article, et qui sera donc constamment discuté."
DRAFT. Citer la version définitive accessible ici : https://shs.cairn.info/revue-cahiers-d-econom... more DRAFT. Citer la version définitive accessible ici : https://shs.cairn.info/revue-cahiers-d-economie-politique-2024-2-page-91?lang=fr Cet article examine les études de Weber sur la psychophysique publiés en 1908-1909 au regard de L'Ethique protestante, au moyen du problème de la communauté : d'une part la communauté sectaire, qui permet de penser une subjectivité religieuse et économique constamment sous le contrôle de ses pairs ; d'autre part la communauté ouvrière, espace d'expression d'une rationalité aiguë et en même temps de contrôle social strict : la rationalité ouvrière se développe, selon Weber, dans un ajustement constant par rapport aux décisions des entrepreneurs, ajustement qui peut aller jusqu'à des stratégies de "freinage" où un rapport de force s'installe silencieusement, selon les normes mêmes du capitalisme, avec le patronat. Nous examinerons ainsi comment la subjectivité peut être pensée par une psychologie sociale où la communauté joue un rôle crucial, et comment elle a pu constituer diverses formes de rationalité. On espère ainsi contribuer à une histoire communautaire de la subjectivité moderne.
"Cet article présente les positions de Bolzano puis de Husserl sur le statut de la question dans leurs théories respectives du jugement, puis examine la critique explicitement adressée à Bolzano par Husserl dans les Recherches logiques. L’enjeu de l’article est i) de montrer l’importance de la psychologie pour décrire l’acte de la question compris comme désir ; ii) inscrire la question dans ses contextes d’énonciation spécifiques qui peuvent lui donner une signification judicative ; iii) indiquer le rôle crucial que la question joue dans l’invention husserlienne de la théorie du remplissement ainsi que dans l’invention de la phénoménologie en général. L’enjeu est de se demander ce qui apparaît lorsqu’on pose une question, dont nous montrons qu’elle limite l’horizon des possibilités de l’apparaître, et ainsi structure en le limitant le champ de l’apparaître.
DRAFT
https://sintesis.uai.cl/index.php/intusfilosofia
Dans cet article, on élabore une réflexio... more DRAFT https://sintesis.uai.cl/index.php/intusfilosofia Dans cet article, on élabore une réflexion sur les rapports entre intentionnalité et histoire du capitalisme à partir du commentaire schélérien de L’Éthique protestante de Max Weber. Nous montrons d’abord que la psychologie est un moyen de dépasser l’alternative ruineuse entre matérialisme et idéalisme de par sa position centrale dans la genèse des phénomènes sociaux : les individus capitalistes sont portés au travail notamment par des incitations psychologiques qui sont déterminées autant par le contenu du dogme que les conditions sociales de sa pratique. Nous montrons ensuite que la phénoménologie de Scheler décrit une intentionnalité historique en écart avec l’intentionnalité qui vise des essences axiologiques : le capitalisme substitue à l’amour un pseudo a priori contingent qui détermine l’intentionnalité à partir du ressentiment et de l’angoisse, celle-là même dont Weber, au moyen de la figure du puritain abandonné par un dieu hyper-transcendant et épouvanté par son statut sotériologique, faisait l’histoire. Ainsi, on essaie d’indiquer, en compagnie de Scheler, les outils phénoménologiques pour penser l’intentionnalité non pas comme la visée qui aurait toujours déjà disposé d’un donné intuitif, mais comme une instance d’essentialisation constamment contrariée par le processus historique, qui fait écart par rapport à la visée phénoménologique des essences – comme si Scheler faisait usage de ce qu’on pourrait appeler une phénoménologie négative.
DRAFT - article publié : https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2023-1-page-7.htm... more DRAFT - article publié : https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2023-1-page-7.htm Dans ce collectif sur "phénoménologie et tolérance" pour le dernier numéro des Études philosophiques, je propose une interprétation croisée de Hegel et de Max Weber à partir de leur compréhension du mouvement Quaker. Je prends notamment appui sur deux archives principales, les PPD de Hegel ainsi qu'un texte posthume issu de Wirtschaft und Gesellschaft de Max Weber, qui - de façons fort différentes - analysent la situation des Quakers en tant qu'ils sont en séparation avec la communauté étatique, séparation que l'Etat endure comme séparation - sans jamais la surmonter ni la réduire. Au terme de cette analyse nous espérons trois résultats : 1) renoncer à l'interprétation réconciliatrice de Hegel pour en faire un penseur de la séparation irrémédiable et insurmontable ; 2) reprendre le chantier, engagé en Allemagne notamment par l'œuvre de Dieter Henrich, et ouvert en France par les travaux fondamentaux de Catherine Colliot-Thélène, du dialogue Hegel/Weber ; 3) penser la tolérance comme expérience fondamentale - non pas de la réconciliation - mais de la séparation.
https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-031-05817-2?page=2#toc
Cet article constitue un chap... more https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-031-05817-2?page=2#toc Cet article constitue un chapitre de J. Rogove & P. d’Oriano (ed.), Heidegger and his Anglo-American Receptions, Dordrecht, Springer, 2022, p. 311-330. Il est une tentative d'examiner l'importance de L'Ethique protestante de Max Weber pour l'oeuvre du second Heidegger, que nous lisons ici à partir des traités non publiés des années 1930/40 et des Cahiers noirs. Le coeur de ce dialogue, c'est l'expression "Entzauberung der Welt". C'est bien ce concept qui joue le rôle crucial pour le concept heideggérien de "Machenschaft", et ses sources et ressources métaphysiques-de la source aristotélicienne jusqu'à la métamorphose d' "Entzauberung" en "Verzauberung". En creux de ce travail, nous montrons l'importance supérieure de l'oeuvre wébérienne : si chez Schmitt le capitalisme s'enracine dans la source politique de la décision, et si chez Heidegger il trouve sa fondation dans les concepts fondamentaux de la métaphysique, chez Weber c'est une psycho-théologie capable de rassembler les sources tout à la fois dogmatiques et matérielles qui donne sa méthodologie à l'analyse de l'histoire. Nous le montrons à partir de l'usage que ces auteurs font des Etats-Unis. Ainsi nous examinons de façon critique la compréhension heideggérienne de l'histoire.
Draft. The original article can be seen here : https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/nie... more Draft. The original article can be seen here : https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/nietzstu-2021-0054/html "This article describes the role Don Quixote plays as a character and as a novel in Nietzsche’s work. Against the background of German romanticism’s reception of the novel, and by identifying the status of the novel, its characters, its author (in his duplicity) and its reader, I argue that Don Quixote plays a problematic role in Nietzsche’s writings: his character is at once the paradigm of the metaphysical individual caught in metaphysical illusions, the mocked receptacle of the ressentiment of readers and of Cervantes himself, but Don Quixote also represents the experience of a deep suffering (which I call “transcendental”), revealing the world outside the simulacra of metaphysics. This investigation leads us to draw parallels between Don Quixote and Christ, but also Zarathustra, and to rehabilitate a certain form of suffering, inherited from a certain understanding of Christ, in the work of Nietzsche."
This article describes the history of modern metaphysics as the history of the immanentization of transcendence. We show this from the concept of the “idea of god”, which is the phenomenon that violently separates subjectivity from transcendence and opens up a tear in it that we call “psycho-theological”: the divine violently leaves a trace in us by its very distance. We describe this phenomenon by means of a study of four archives: Descartes’ third Metaphysical Meditations (1641), the refutation of the cosmological proof of the existence of God in Kant’s Transcendental Dialectic in the Critique of Pure Reason (1781–87), Schelling’s commentary on this Kant’s text in his Introduction to the lectures on Philosophy of Revelation (1841), and the traces of Descartes’ third Meditation in the work of Levinas.
Dans cet article, je souhaite montrer la dimension « psycho-théologique » de la pensée de Walter Benjamin, en identifiant la « coupure théologique » comme la figure dialectique du paradoxe de la coupure irrémédiable, qui n’est pas absence, mais un certain mode de présence, profondément contemporain, du divin. Je voudrais essayer d’identifier ce mode de présence, et ce qu’il est capable d’accomplir. 1) Je vais tout d’abord partir de la figure du démon dans l’article sur Karl Kraus de 1931, qui est un premier moment psycho-théologique où la coupure se phénoménalise dans le langage, plus précisément dans la distinction entre la rime et le nom ; j’appelle ce moment logico-théologique. 2) Je vais ensuite élargir l’enquête à la figure messianique de l’angoisse dans le petit texte sur le Capitalisme comme religion, où la coupure théologique trouve son expression dans le capitalisme contemporain pensé comme culte sans dogme, contant producteur d’angoisse culpabilisée. C’est un moment économico-théologique. 3) Enfin j’interprète quelques thèses sur l’histoire où la figure de la coupure théologique, que marque l’ange ouvert au messianisme, introduit dans une éco-théologie où la coupure touche la terre tout entière coupée comme terre ici-bas et terre dévastée à venir. J’espère ainsi montrer que la grandeur de la pensée de Benjamin est d’avoir poussé la coupure théologique dans ses retranchements conceptuels les plus extrêmes, ne laissant à la pensée qu’une approche fragmentaire de l’à-venir, comme pratique difficile et funambule de l’écriture et comme pensée de l’événement surgissant du divin.
Index de mots-clés : Métaphysique, Walter Benjamin, phénoménologie, philosophie de la religion, théologie, philosophie de l’histoire, philosophie du langage. Abstract In this paper I want to show the "psycho-theological" dimension of Walter Benjamin's thought, identifying the "theological cut" as the dialectical figure of the paradox of the irremediable cut, which is not absence, but a contemporary mode of presence of the divine. I try to identify this mode of presence, and what it is capable of achieving. 1) I will first start from the figure of the demon in the 1931 article on Karl Kraus, which is a first psycho-theological moment where the cut is phenomenalised in language, more precisely in the distinction between rhyme and name; I call this moment logico-theological. 2) I will then extend the investigation to the messianic figure of anxiety in the text on Capitalism as religion, where the theological cut finds its expression in contemporary capitalism thought of as a cult without dogma, a tale that produces guilt-ridden anxiety. This is an economic-theological moment. 3) Finally, I interpret some theses on history where the figure of the theological cut, with the image of the angel open to messianism, introduces into an eco-theology where the cut touches the whole earth cut as earth here below and devastated earth to come. I thus hope to show that the greatness of Benjamin's thought is to have pushed the theological cut into its most extreme conceptual entrenchments, leaving thought with only a fragmentary approach to the future, as a difficult and tightrope-walking practice of writing and as a thought of the event emerging from the divine.
Index by keyword : Metaphysics, Walter Benjamin, phenomenology, philosophy of religion, theology, philosophy of history, philosophie of language.
Cet article approfondit mes travaux sur la « praxiologie » et sur l'intentionnalité praxiologique... more Cet article approfondit mes travaux sur la « praxiologie » et sur l'intentionnalité praxiologique Husserl, Scheler et Heidegger au risque du concept heideggérien d' « outil », entendu comme dissémination de la visée.
https://www.revue-klesis.org/
J'examine ici une dimension à la fois théologique et philosophique ... more https://www.revue-klesis.org/ J'examine ici une dimension à la fois théologique et philosophique de la pensée de Max Weber, qui concerne la façon dont, après la fortune de ce concept dans la métaphysique et la théologie du XIXe siècle, il a régénéré le concept d'« angoisse » (Angst) pour évoquer le statut de certaines formes de calvinisme. En effet, Weber a mis à mal une caricature que Hegel avait largement popularisée, celle d'un protestantisme qui détruisait l'intercession institutionnelle pour laisser le croyant solitaire devant son Dieu, ouvrant ainsi la moder-nité à l'ère de la subjectivité et à son intériorité. En effet, au moins dès Foi et Savoir en 1802, la philosophie allemande identifie avec la Réforme luthérienne l'apparition d'un nouveau régime de subjectivité où celle-ci se serait constituée dans l'espace d'une inté-riorité morale à la faveur d'une révolte de la conscience. De ce point de vue, si c'est Des-cartes qui (selon Heidegger chez lequel l'histoire est pensée de façon ultra conceptuelle) fait apparaître l'ère de la subjectivité comme intériorité autonome, chez Hegel, c'est bien le mouvement tout à la fois religieux, politique et métaphysique de la Réforme qui inau-gure une telle ère. Max Weber nuance fermement cette thèse, s'appuyant sur l'histoire et sur ce qu'on pourrait appeler une logique sociale qui intrique l'individu dans un réseau communautaire complexe. Ainsi, il reprend les concepts fondamentaux de l'interprétation idéaliste allemande de la Réforme (subjectivité, intériorité, angoisse…), mais pour la com-plexifier de social, de normes, d'histoire, c'est-à-dire de ce par quoi tout individu est tra-versé. Pour montrer cela, j'analyserai l'idéaltype de la « secte », qui ne concerne qu'une forme très spécifique et limitée de fait religieux, mais qui illustre la façon dont Weber complique la foi par la communauté. Car la thèse de Weber, dès L'Éthique protestante, place en effet au coeur de l'analyse le sujet croyant, intériorisant les normes de la foi et s'angoissant devant la très lourde thèse de la double prédestination ; cependant, cette an-goisse, qui est le coeur de la sociologie de Weber des formes ascétiques et puritaines du calvinisme-cette angoisse ne s'empare du coeur du croyant que dans la mesure où elle subit une transformation : je décrirai celle du contrôle social, dont les sectes nord-améri-caines sont l'idéaltype selon Weber.
https://www.zetabooks.com/studia-phaenomenologica-2020-volume-20-phenomenology-and-the-history-of... more https://www.zetabooks.com/studia-phaenomenologica-2020-volume-20-phenomenology-and-the-history-of-platonism.html The onto-agathological fold of metaphysics: Aristotle, Plato and Heidegger-DRAFT Abstract-This paper tries to identify from Heidegger a figure of the history of metaphysics in Plato, which I call onto-agathological, parallel to the famous onto-theological figure. From a text from the 1935 course of "Einführung in die Metaphysik", I show that the history of metaphysics is not only the Aristotelian history of onto-theology, but also for Heidegger the Platonic history of the supremacy of good over being, an onto-agathological history where the concept of "fold" plays a decisive role: fold within the being itself that the good transcends but in which it participates, which responds to the onto-theological fold also within being. I thus develop the hypothesis of another history of metaphysics, in which I show the strong phenomenological content, against the Neokantians Windelband and Rickert. This article thus aims to show the Platonic content of phenomenology from the famous text of Republic 509C on the Agathon.
Abstract – This article examines the fragment on homo-mensura by Protagoras, first by summarizing... more Abstract – This article examines the fragment on homo-mensura by Protagoras, first by summarizing its possible interpretations, then by presenting the respective and antagonistic positions of Nietzsche and Heidegger. Heidegger, against Nietzsche, places the fragment on an ontological and Platonic background, where measurement is only possible from the ontological opening that precedes it. This interpretation has its historical and philological legitimacy. But Nietzsche understands the fragment as entirely irreducible to Platonism: Protagoras (with Thucydides) conceived knowledge as the study of psychological types, not according to a stable epistemic norm, but according to the variations in intensity that affect every psyche but also every social community. I draw on this last intuition to defend what seems to me to be the richest interpretation of the fragment of the homo-mensura, based on the remarks of Eugène Dupréel – a social and normative interpretation in which Protagoras is the thinker of a praxis (medicine, politics...) which, in a given situation and community, is capable of improving the subjective impressions of the greatest number.
La sociologie des religions de Max Weber et la psychologie : le rôle de l’angoisse sotériologique... more La sociologie des religions de Max Weber et la psychologie : le rôle de l’angoisse sotériologique
Résumé – Dans cet article, on souhaite démontrer que la psychologie joue un rôle moteur dans la pensée de Max Weber, singulièrement lorsque son objet est la religion. Le fil conducteur ici est L’Éthique protestante, qu’on confronte au corpus webérien. On forge l’expression « angoisse sotériologique » pour indiquer que la réduction du phénomène religieux à la méthode compréhensive et à la primauté de la rationalité en finalité n’est pas tenable, y compris pour Weber. En effet, le problème des motivations théologiques reste bien un problème psychologique, où un dogme accepté sans discussions produit une profonde angoisse subjective qui produit à son tour des effets rationnels. Ici, ce n’est pas tant l’analyse de la compréhension par l’acteur des moyens accessibles pour atteindre une fin qui est centrale (même si elle est importante), que l’analyse d’une angoisse sotériologique et de ses causes historiques et théologiques. Cela vaut surtout pour le protestantisme calviniste, mais des écrits tardifs de Weber élargissent le rôle de l’angoisse à d’autres formes religieuses.
Abstract - In this article, we wish to demonstrate that psychology plays a leading role in Max Weber's work, especially when its object is religion. The common thread here is Protestant Ethics, which is confronted with the Weberian corpus. I use the expression "soteriological anxiety" to indicate that the reduction of the religious phenomenon to the comprehensive method and the primacy of rationality in finality is not sustainable, including for Weber. Indeed, the problem of theological motivations remains a psychological problem, where a dogma accepted without discussion produces a deep subjective anxiety that in turn produces rational effects. Here, it is not so much the analysis of the actor's understanding of the means available to achieve an end that is central (even if it is important), as the analysis of a soteriological anxiety and its historical and theological causes. This is especially true of Calvinist Protestantism, but Weber's late writings extend the role of anxiety to other religious forms.
Cet article a été pensé au sein d’une recherche plus large impliquant une discussion de l’histoir... more Cet article a été pensé au sein d’une recherche plus large impliquant une discussion de l’histoire de la métaphysique et de la Seynsgeschichte de Heidegger. Il est solidaire des articles suivants : "En quoi l'histoire de l'être de Heidegger est-elle phénoménologique ?", Bulletin d'Analyse Phénoménologique, vol. 14, n° 1, 2018, "Nietzsche et la métaphysique", Etudes Germaniques, vol. 73, n° 3, 2018, p. 357-377, et "Le kantisme biologique de Nietzsche. L’héritage de Lange à propos de la perception", Nietzsche Studien, vol. 48, n° 1, 2019, p. 220-243. La pensée de Marx est selon moi la source la plus profonde des discussions allemandes sur le rôle historique de la métaphysique, et plus généralement sur l’histoire de la métaphysique. La Lettre sur l’humanisme dit les choses clairement.
In this paper, I show that Nietzsche is a Kantian, and what being Kantian means. He accepts the i... more In this paper, I show that Nietzsche is a Kantian, and what being Kantian means. He accepts the idea that our perception is configured by concepts which unify and inform the world around us, and which result from a biological evolution of the human species. His Kantianism is thus biological and mainly influenced by Friedrich Albert Lange’s reading of Kant. But this Nietzschean conceptualism must be inscribed in his thought of the will to power, where the perceptive fixation of the world is the result of a degeneration caused by the biological, psychological and historical recovery of the will to power. Thus, I show that Nietzsche’s Kantianism is as biological as it is axiological.
Pierre Aubenque écrit, dans Le Problème de l'être chez Aristote : « L'acte n'est pas une notion q... more Pierre Aubenque écrit, dans Le Problème de l'être chez Aristote : « L'acte n'est pas une notion qui se suffirait à elle-même, mais elle reste corrélative de celle de la puissance, et ne peut être pensée qu'à travers elle ; l'acte n'advient, ne se révèle dans son accomplissement que par la puissance, le pouvoir d'un agent. Ce pouvoir, il est vrai, est plus révélateur que créateur (…) ; à la puissance active de l'agent répond une puissance passive, un pouvoir-devenir, dans ce qui préexiste à l'oeuvre : la matière. La statue est en puissance dans le marbre, parce que le sculpteur a la puissance de la faire paraître dans le marbre.
This paper examines how practical intentionality is described by Husserl and Heidegger respective... more This paper examines how practical intentionality is described by Husserl and Heidegger respectively, and looks at the phenomenological and sociological issues of these descriptions. In Husserl, the phenomenological reduction reveals that the practices of the world involve two intentionalities which wrap one inside the other. The foundation of this dynamic is a theoretical intentionality: there are always reasons which make it possible to understand why such and such an object is surrounded by such and such a value. In the early Heidegger's work, life is not expressed by means of judgments, and it coils around itself, perpetuating itself in the ordinary practices of the world. We show that this phenomenological immanentism is put in question by Heidegger himself, and in particular in connection to the issue of the social source of intentionality. We consider the question of the compatibility between immanentism and normativity, which involve a dialectic that sheds new light on the phenomenological project.
Nietzsche et la métaphysique : sur les racines non métaphysiques des concepts de la métaphysique ... more Nietzsche et la métaphysique : sur les racines non métaphysiques des concepts de la métaphysique This article starts from the observation that metaphysics has non metaphysical roots that make it possible. We detail these roots which are 1) empirical, 2) biological, 3) psychological and 4) socio-political. This means that discourses of the history of metaphysics is ruled by external conditions, but also that it is an illusion that Nietzsche tries to uncover by means of a speech whose we are questioning the status here. Emphasis is placed on the importance of the politico-social dimension for the constitution of metaphysics, in order to open a dialogue with Marx and Marxism, of which Nietzsche was both a critic and a neighbor, and for the purpose of confronting the history of Heideggerian metaphysics with another history of metaphysics, axiological and socio-political.
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Papers by Paul Slama
"La pensée de Jean-Louis Chrétien a pour tonalité fondamentale l'humilité, la grande vertu de Bernard de Clairvaux. Il faut donc, pour l'interpréter, entendre les autres voix qui parlent dans la sienne, selon une métaphore qu'il ne cessait de tisser. Mon propos, ici, sera de comprendre le type de phénoménologie qui lui fut propre, à partir de deux thématiques fondamentales liées à la subjectivité. D'une part, la figure que nous appelons « psycho-théologique », qui concerne la façon dont la tradition augustinienne a pensée une sujet avant le sujet, ou encore un affect plus ancien que la substance subjective qui peut accueillir la transcendance infinie. Cet affect a pu revêtir le nom de la joie, qui élargit le sujet pour le grossir de la transcendance qu'il ne peut pas accueillir - thématique à bien des aspects lévinassienne. C'est principalement dans la Joie spacieuse que nous examinerons la façon dont Chrétien dialogue avec Augustin pour élaborer la phénoménologie d'une telle subjectivité à la fois profondément fragile et ouverte. Dans un deuxième temps, j'analyserai une thématique peut-être moins visible chez Jean-Louis Chrétien (et plus largement en phénoménologie), celle de la communauté qui doit être phénoménologiquement prise en compte pour comprendre la donation elle-même : si je ne suis jamais seul à accueillir le donné, c'est qu'un nous travaille de façon plus ancienne la subjectivité que le je. C'est une thématique sociale : penser l'intentionnalité comme visée d'un sujet vers des objets qui se donnent à lui, c'est refuser que l'intentionnalité soit d'abord et avant tout sociale, voire communautaire, au sens où en moi plusieurs autres sujets visent les objets que je crois viser par moi-même. Levinas a vu ce phénomène à partir de la thématique tu tiers ; Chrétien l'a prolongé à partir de la communauté monachique. Ainsi a-t -il transmis à la phénoménologie la tradition et les outils afin de penser le sujet toujours déjà communautarisé. C'est Totalité et infini d'Emmanuel Levinas qui sera à l'arrière-plan constant de cet article, et qui sera donc constamment discuté."
Cet article examine les études de Weber sur la psychophysique publiés en 1908-1909 au regard de L'Ethique protestante, au moyen du problème de la communauté : d'une part la communauté sectaire, qui permet de penser une subjectivité religieuse et économique constamment sous le contrôle de ses pairs ; d'autre part la communauté ouvrière, espace d'expression d'une rationalité aiguë et en même temps de contrôle social strict : la rationalité ouvrière se développe, selon Weber, dans un ajustement constant par rapport aux décisions des entrepreneurs, ajustement qui peut aller jusqu'à des stratégies de "freinage" où un rapport de force s'installe silencieusement, selon les normes mêmes du capitalisme, avec le patronat. Nous examinerons ainsi comment la subjectivité peut être pensée par une psychologie sociale où la communauté joue un rôle crucial, et comment elle a pu constituer diverses formes de rationalité. On espère ainsi contribuer à une histoire communautaire de la subjectivité moderne.
"Cet article présente les positions de Bolzano puis de Husserl sur le statut de la question dans leurs théories respectives du jugement, puis examine la critique explicitement adressée à Bolzano par Husserl dans les Recherches logiques. L’enjeu de l’article est
i) de montrer l’importance de la psychologie pour décrire l’acte de la question compris comme désir ;
ii) inscrire la question dans ses contextes d’énonciation spécifiques qui
peuvent lui donner une signification judicative ; iii) indiquer le rôle crucial que la question joue dans l’invention husserlienne de la théorie du remplissement ainsi que dans l’invention de la phénoménologie en général. L’enjeu est de se demander ce qui apparaît lorsqu’on pose une question, dont nous montrons qu’elle limite l’horizon des possibilités de l’apparaître, et ainsi structure en le limitant le champ de l’apparaître.
https://sintesis.uai.cl/index.php/intusfilosofia
Dans cet article, on élabore une réflexion sur les rapports entre intentionnalité et histoire du capitalisme à partir du commentaire schélérien de L’Éthique protestante de Max Weber. Nous montrons d’abord que la psychologie est un moyen de dépasser l’alternative ruineuse entre matérialisme et idéalisme de par sa position centrale dans la genèse des phénomènes sociaux : les individus capitalistes sont portés au travail notamment par des incitations psychologiques qui sont déterminées autant par le contenu du dogme que les conditions sociales de sa pratique. Nous montrons ensuite que la phénoménologie de Scheler décrit une intentionnalité historique en écart avec l’intentionnalité qui vise des essences axiologiques : le capitalisme substitue à l’amour un pseudo a priori contingent qui détermine l’intentionnalité à partir du ressentiment et de l’angoisse, celle-là même dont Weber, au moyen de la figure du puritain abandonné par un dieu hyper-transcendant et épouvanté par son statut sotériologique, faisait l’histoire. Ainsi, on essaie d’indiquer, en compagnie de Scheler, les outils phénoménologiques pour penser l’intentionnalité non pas comme la visée qui aurait toujours déjà disposé d’un donné intuitif, mais comme une instance d’essentialisation constamment contrariée par le processus historique, qui fait écart par rapport à la visée phénoménologique des essences – comme si Scheler faisait usage de ce qu’on pourrait appeler une phénoménologie négative.
Dans ce collectif sur "phénoménologie et tolérance" pour le dernier numéro des Études philosophiques, je propose une interprétation croisée de Hegel et de Max Weber à partir de leur compréhension du mouvement Quaker. Je prends notamment appui sur deux archives principales, les PPD de Hegel ainsi qu'un texte posthume issu de Wirtschaft und Gesellschaft de Max Weber, qui - de façons fort différentes - analysent la situation des Quakers en tant qu'ils sont en séparation avec la communauté étatique, séparation que l'Etat endure comme séparation - sans jamais la surmonter ni la réduire. Au terme de cette analyse nous espérons trois résultats : 1) renoncer à l'interprétation réconciliatrice de Hegel pour en faire un penseur de la séparation irrémédiable et insurmontable ; 2) reprendre le chantier, engagé en Allemagne notamment par l'œuvre de Dieter Henrich, et ouvert en France par les travaux fondamentaux de Catherine Colliot-Thélène, du dialogue Hegel/Weber ; 3) penser la tolérance comme expérience fondamentale - non pas de la réconciliation - mais de la séparation.
Cet article constitue un chapitre de J. Rogove & P. d’Oriano (ed.), Heidegger and his Anglo-American Receptions, Dordrecht, Springer, 2022, p. 311-330. Il est une tentative d'examiner l'importance de L'Ethique protestante de Max Weber pour l'oeuvre du second Heidegger, que nous lisons ici à partir des traités non publiés des années 1930/40 et des Cahiers noirs. Le coeur de ce dialogue, c'est l'expression "Entzauberung der Welt". C'est bien ce concept qui joue le rôle crucial pour le concept heideggérien de "Machenschaft", et ses sources et ressources métaphysiques-de la source aristotélicienne jusqu'à la métamorphose d' "Entzauberung" en "Verzauberung". En creux de ce travail, nous montrons l'importance supérieure de l'oeuvre wébérienne : si chez Schmitt le capitalisme s'enracine dans la source politique de la décision, et si chez Heidegger il trouve sa fondation dans les concepts fondamentaux de la métaphysique, chez Weber c'est une psycho-théologie capable de rassembler les sources tout à la fois dogmatiques et matérielles qui donne sa méthodologie à l'analyse de l'histoire. Nous le montrons à partir de l'usage que ces auteurs font des Etats-Unis. Ainsi nous examinons de façon critique la compréhension heideggérienne de l'histoire.
"This article describes the role Don Quixote plays as a character and as a novel in Nietzsche’s work. Against the background of German romanticism’s reception of the novel, and by identifying the status of the novel, its characters, its author (in his duplicity) and its reader, I argue that Don Quixote plays a problematic role in Nietzsche’s writings: his character is at once the paradigm of the metaphysical individual caught in metaphysical illusions, the mocked receptacle of the ressentiment of readers and of Cervantes himself, but Don Quixote also represents the experience of a deep suffering (which I call “transcendental”), revealing the world outside the simulacra of metaphysics. This investigation leads us to draw parallels between Don Quixote and Christ, but also Zarathustra, and to rehabilitate a certain form of suffering, inherited from a certain understanding of Christ, in the work of Nietzsche."
This article describes the history of modern metaphysics as the history of the immanentization of transcendence. We show this from the concept of the “idea of god”, which is the phenomenon that violently separates subjectivity from transcendence and opens up a tear in it that we call “psycho-theological”: the divine violently leaves a trace in us by its very distance. We describe this phenomenon by means of a study of four archives: Descartes’ third Metaphysical Meditations (1641), the refutation of the cosmological proof of the existence of God in Kant’s Transcendental Dialectic in the Critique of Pure Reason (1781–87), Schelling’s commentary on this Kant’s text in his Introduction to the lectures on Philosophy of Revelation (1841), and the traces of Descartes’ third Meditation in the work of Levinas.
https://popups.uliege.be/0774-7136/index.php?id=1454
Dans cet article, je souhaite montrer la dimension « psycho-théologique » de la pensée de Walter Benjamin, en identifiant la « coupure théologique » comme la figure dialectique du paradoxe de la coupure irrémédiable, qui n’est pas absence, mais un certain mode de présence, profondément contemporain, du divin. Je voudrais essayer d’identifier ce mode de présence, et ce qu’il est capable d’accomplir. 1) Je vais tout d’abord partir de la figure du démon dans l’article sur Karl Kraus de 1931, qui est un premier moment psycho-théologique où la coupure se phénoménalise dans le langage, plus précisément dans la distinction entre la rime et le nom ; j’appelle ce moment logico-théologique. 2) Je vais ensuite élargir l’enquête à la figure messianique de l’angoisse dans le petit texte sur le Capitalisme comme religion, où la coupure théologique trouve son expression dans le capitalisme contemporain pensé comme culte sans dogme, contant producteur d’angoisse culpabilisée. C’est un moment économico-théologique. 3) Enfin j’interprète quelques thèses sur l’histoire où la figure de la coupure théologique, que marque l’ange ouvert au messianisme, introduit dans une éco-théologie où la coupure touche la terre tout entière coupée comme terre ici-bas et terre dévastée à venir.
J’espère ainsi montrer que la grandeur de la pensée de Benjamin est d’avoir poussé la coupure théologique dans ses retranchements conceptuels les plus extrêmes, ne laissant à la pensée qu’une approche fragmentaire de l’à-venir, comme pratique difficile et funambule de l’écriture et comme pensée de l’événement surgissant du divin.
Index de mots-clés : Métaphysique, Walter Benjamin, phénoménologie, philosophie de la religion, théologie, philosophie de l’histoire, philosophie du langage.
Abstract
In this paper I want to show the "psycho-theological" dimension of Walter Benjamin's thought, identifying the "theological cut" as the dialectical figure of the paradox of the irremediable cut, which is not absence, but a contemporary mode of presence of the divine. I try to identify this mode of presence, and what it is capable of achieving. 1) I will first start from the figure of the demon in the 1931 article on Karl Kraus, which is a first psycho-theological moment where the cut is phenomenalised in language, more precisely in the distinction between rhyme and name; I call this moment logico-theological. 2) I will then extend the investigation to the messianic figure of anxiety in the text on Capitalism as religion, where the theological cut finds its expression in contemporary capitalism thought of as a cult without dogma, a tale that produces guilt-ridden anxiety. This is an economic-theological moment. 3) Finally, I interpret some theses on history where the figure of the theological cut, with the image of the angel open to messianism, introduces into an eco-theology where the cut touches the whole earth cut as earth here below and devastated earth to come.
I thus hope to show that the greatness of Benjamin's thought is to have pushed the theological cut into its most extreme conceptual entrenchments, leaving thought with only a fragmentary approach to the future, as a difficult and tightrope-walking practice of writing and as a thought of the event emerging from the divine.
Index by keyword : Metaphysics, Walter Benjamin, phenomenology, philosophy of religion, theology, philosophy of history, philosophie of language.
J'examine ici une dimension à la fois théologique et philosophique de la pensée de Max Weber, qui concerne la façon dont, après la fortune de ce concept dans la métaphysique et la théologie du XIXe siècle, il a régénéré le concept d'« angoisse » (Angst) pour évoquer le statut de certaines formes de calvinisme. En effet, Weber a mis à mal une caricature que Hegel avait largement popularisée, celle d'un protestantisme qui détruisait l'intercession institutionnelle pour laisser le croyant solitaire devant son Dieu, ouvrant ainsi la moder-nité à l'ère de la subjectivité et à son intériorité. En effet, au moins dès Foi et Savoir en 1802, la philosophie allemande identifie avec la Réforme luthérienne l'apparition d'un nouveau régime de subjectivité où celle-ci se serait constituée dans l'espace d'une inté-riorité morale à la faveur d'une révolte de la conscience. De ce point de vue, si c'est Des-cartes qui (selon Heidegger chez lequel l'histoire est pensée de façon ultra conceptuelle) fait apparaître l'ère de la subjectivité comme intériorité autonome, chez Hegel, c'est bien le mouvement tout à la fois religieux, politique et métaphysique de la Réforme qui inau-gure une telle ère. Max Weber nuance fermement cette thèse, s'appuyant sur l'histoire et sur ce qu'on pourrait appeler une logique sociale qui intrique l'individu dans un réseau communautaire complexe. Ainsi, il reprend les concepts fondamentaux de l'interprétation idéaliste allemande de la Réforme (subjectivité, intériorité, angoisse…), mais pour la com-plexifier de social, de normes, d'histoire, c'est-à-dire de ce par quoi tout individu est tra-versé. Pour montrer cela, j'analyserai l'idéaltype de la « secte », qui ne concerne qu'une forme très spécifique et limitée de fait religieux, mais qui illustre la façon dont Weber complique la foi par la communauté. Car la thèse de Weber, dès L'Éthique protestante, place en effet au coeur de l'analyse le sujet croyant, intériorisant les normes de la foi et s'angoissant devant la très lourde thèse de la double prédestination ; cependant, cette an-goisse, qui est le coeur de la sociologie de Weber des formes ascétiques et puritaines du calvinisme-cette angoisse ne s'empare du coeur du croyant que dans la mesure où elle subit une transformation : je décrirai celle du contrôle social, dont les sectes nord-améri-caines sont l'idéaltype selon Weber.
Abstract-This paper tries to identify from Heidegger a figure of the history of metaphysics in Plato, which I call onto-agathological, parallel to the famous onto-theological figure. From a text from the 1935 course of "Einführung in die Metaphysik", I show that the history of metaphysics is not only the Aristotelian history of onto-theology, but also for Heidegger the Platonic history of the supremacy of good over being, an onto-agathological history where the concept of "fold" plays a decisive role: fold within the being itself that the good transcends but in which it participates, which responds to the onto-theological fold also within being. I thus develop the hypothesis of another history of metaphysics, in which I show the strong phenomenological content, against the Neokantians Windelband and Rickert. This article thus aims to show the Platonic content of phenomenology from the famous text of Republic 509C on the Agathon.
Résumé – Dans cet article, on souhaite démontrer que la psychologie joue un rôle moteur dans la pensée de Max Weber, singulièrement lorsque son objet est la religion. Le fil conducteur ici est L’Éthique protestante, qu’on confronte au corpus webérien. On forge l’expression « angoisse sotériologique » pour indiquer que la réduction du phénomène religieux à la méthode compréhensive et à la primauté de la rationalité en finalité n’est pas tenable, y compris pour Weber. En effet, le problème des motivations théologiques reste bien un problème psychologique, où un dogme accepté sans discussions produit une profonde angoisse subjective qui produit à son tour des effets rationnels. Ici, ce n’est pas tant l’analyse de la compréhension par l’acteur des moyens accessibles pour atteindre une fin qui est centrale (même si elle est importante), que l’analyse d’une angoisse sotériologique et de ses causes historiques et théologiques. Cela vaut surtout pour le protestantisme calviniste, mais des écrits tardifs de Weber élargissent le rôle de l’angoisse à d’autres formes religieuses.
Abstract - In this article, we wish to demonstrate that psychology plays a leading role in Max Weber's work, especially when its object is religion. The common thread here is Protestant Ethics, which is confronted with the Weberian corpus. I use the expression "soteriological anxiety" to indicate that the reduction of the religious phenomenon to the comprehensive method and the primacy of rationality in finality is not sustainable, including for Weber. Indeed, the problem of theological motivations remains a psychological problem, where a dogma accepted without discussion produces a deep subjective anxiety that in turn produces rational effects. Here, it is not so much the analysis of the actor's understanding of the means available to achieve an end that is central (even if it is important), as the analysis of a soteriological anxiety and its historical and theological causes. This is especially true of Calvinist Protestantism, but Weber's late writings extend the role of anxiety to other religious forms.