Systèmes formels et systèmes formalisés
https://doi.org/10.12816/0020408Abstract
Dans ce papier, nous cherchons à montrer 1° que dans le domaine des fondements mathématiques, le modèle platonicien peut faire fonction de dispositif de conceptualisation dépouillé de toute connotation métaphysique, et 2° que cette fonction s'avère indispensable dans les deux contextes pré-gödélien et postgödélien. Tenant compte du fait que Platon ne se retrouverait pas forcément dans ce que la postériorité tend à lui attribuer, nous pensons toutefois que l'ensemble des interprétations parfois abusives avancées tout au long de l'histoire de la philosophie à propos de l'oeuvre platonicienne, représente désormais un édifice cohérent. Cet édifice que nous appelons -par opposition à l'oeuvre platonicienne stricto sensu -« modèle platonicien standard de la connaissance » est amené à jouer dans le domaine des fondements mathématiques le rôle de dispositif de conceptualisation ci-dessus évoqué. Étudiant les notions de système formel et de système formalisé dans l'optique hilbertienne revisitée sous l'angle de la théorie des modèles, nous verrons qu'une zone de flou s'étale entre ces deux notions. Toute démarche visant la maîtrise de cette zone de flou doit faire des choix épistémologiques qu'il s'agit d'assumer en tant que tels. Ces choix expriment systématiquement le schéma de l'opposition des complémentaires à exclusion réciproque « si a, alors b, ou bien si non-b, alors non-a ». A ce niveau, nous constaterons 1° que tout choix tranché entre a et non-b requiert des présupposés d'ordre métaphysique, 2° que le rejet de présupposés d'ordre métaphysiques empêche tout choix tranché entre a et non-b et 3° qu'au sein d'une approche non-métaphysique les options a et non-b sont équivalentes par rapport à la zone de flou affectant la distinction des notions de système formel et de système formalisé. Loin de ce que l'intuition pourrait nous suggérer, le recours, à propos de ces choix épistémologiques, au modèle platonicien standard ne traduit nullement l'adoption d'un présupposé métaphysique parmi d'autres. Bien au contraire, dans le cadre d'une démarche refusant tout présupposé métaphysique, le modèle platonicien standard véhiculé à titre de dispositif de conceptualisation permet la systématisation globale de l'ensemble des choix épistémologique entre a et non-b possibles, choix équivalents en raison même du refus de toute référence métaphysique. Ce point s'accommode parfaitement de l'aperception post-gödélienne « classique », i.e. non-déflationniste des fondements mathématiques.. Mais nous verrons également que les théories dites « déflationnistes » au sens très large -nous y rangeons aussi l'instrumentalisme hilbertien selon Michael Detlefsen -expriment à leur tour et probablement contre toute attente un choix épistémologique relevant du modèle platonicien standard.
References (2)
- de R H à M ∞ . Ce point suffit pour attribuer une dimension logique à la pré-existence de M ∞ par rapport à R H et donc à la pré-existence des (E n+k ,ΦR n/n+k , Sy n+k ) ∈ M ∞ , k ≥ 1, par rapport aux (E n ,ΦR n , Sy n ) ∈ R H . Quant à la dimension épistémologique de l'affaire, elle émane directement de ce qui précède: Lorsque la raison humaine fait le choix de souscrire aux conceptions de Detlefsen, ce sont des (E n+k ,ΦR n/n+k , Sy n+k ) ∈ M ∞ , k ≥ 1, précédant de manière ontologique et logique les (E n ,ΦR n , Sy n ) ∈ R H qui déterminent -ou du moins co-déterminent -le statut recours à des (E n+k ,ΦR n/n+k , Sy n+k ) ∈ M ∞ précédant des (E n ,ΦR n , Sy n ) ∈ R H sur les trois plans ontologique, logique et épistémologique, autrement dit, si le « déflationnisme » -non-standard -au sens de Detlefsen doit -contre toute attente -faire appel au modèle platonicien standard de la connaissance, cela ne prouve en rien l'existence d'un quelconque ciel platonicien. Adopter -en matière de fondements des mathématiques -l'approche de Detlefsen représente un choix que chacun est libre de partager ou de ne pas partager.. Or, comme nous avons essayé de le montrer à travers le présent article, tout choix relatif aux fondements des mathématiques dans le contexte post-gödélien marqué par une irrémédiable dichotomie « si a, alors b; si non-b, alors non-a » réclame -à l'exception peut-être de la réduction des ΦR à de simples Ψ n -des présupposés d'ordre métaphysique. Les diverses approches déflationnistes, « standard » ou « à la Detlefsen », n'échappent pas à la règle. Nous verrons sous peu que l'approche de Detlefsen révèle -de manière plus percutante que l'approche déflationniste « standard » (cf. infra) -la nécessité de présupposés d'ordre métaphysique indispensables quant à la cohérence de l'échafaudage. En attendant, attirons l'attention sur une symétrie remarquable entre les deux « déflationnismes » qui, en principe s'alignent sur des schémas de pensée opposés. Rappelons que l'approche déflationniste standard assure la « vérité » (ou non-« vérité ») des formules (ou « mots ») d'un système formel Sy n d'une puissance égale ou supérieure à celle de l'AF en recourant à un système formel plus large Sy n+1 , tel que Sy n ⊂ Sy n+1 . Dans ce premier cas de figure, c'est le système plus large Sy n+1 qui établit la consistance/complétude de Sy n+1 , sachant que la consistance/complétude du système global Sy n ∪ Sy n+1 , Sy n ⊂ Sy n+1 non-conservatif n'est pas garantie (comp. Detlefsen, 1986, p. 166) ni par ailleurs recherchée. Detlefsen effectue la démarche inverse: Tandis que les mathématiques idéales M ∞ dans leur globalité ne sont pas formellement maîtrisables, on peut, d'après Detlefsen, établir la consistance-complétude d'un édifice partiel de M ∞ , en l'occurrence le « résidu hilbertien » R H (cf. supra). Dans l'absolu, les deux « déflationnismes » standard et « à la Detlefsen » sont équivalents sous l'angle de la consistance-complétude . Or, les deux démarches, à condition de ne pas vouloir réduire la formalisation ΦR n à une simple équivalence formelle Ψ n , aboutissent, comme nous l'avions vu, contre toute attente, à la présence d'édifices E n+k , k ≥ 1, précédant E n sur les trois plans ontologique, logique et épistémologique. C'est à travers cette pré- existence ontologique, logique et épistémologique de E n+1 par rapport à E n que les deux approches déflationniste-standard et « à la Detlefsen » développent en dépit de leurs démarches logiques opposées une symétrie remarquable. Revenons maintenant vers ce point que nous venons d'effleurer plus haut: Non seulement tout choix en matière de fondements des mathématiques -y compris le « déflationnisme » -fait nécessairement appel à des choix d'ordre métaphysique, mais encore les choix métaphysiques qui s'imposent à l'approche de Detlefsen se révèlent de manière plus directe, plus percutante que les présupposés requis en ce sens par l'approche déflationniste standard.
- L'approche déflationniste selon Detlefsen comporte une sorte de problème d'émergence (comp.