Euthanasie, la France à la croisée des chemins

L'auteur propose une réflexion éthique sur la notion de transgression en lien avec les questions contemporaines sur l'euthanasie active directe

2011

Il y a longtemps que les frontieres qui dessinent les contours des Etats ne sont plus des lignes et qu'une vegetation sauvage de controles inquietants et meurtriers les remplace. Et alors il n'y a plus de lieu, aujourd'hui, qui ne soit devenu un but pour des franchissements illicites et des marcheurs aux mains vides. Cette etude examine la topologie nouvelle qui en emerge en commentant apres E. Glissant un dispositif pedagogique installe par un clandestin ramene de force au Mali, puis en rappelant les appuis que la creation de ses frontieres par le jeune Etat independant d'Haiti avait trouves dans la Terreur jacobine. S'unissant dans le meme cri de " la liberte ou la mort ", ces experiences de la frontiere revelent moins des attractions exercees par certains lieux sur d'autres ou des vertiges transgressifs que la force d'invention historique d'une habitation en ecart des territoires.

Enterrer ses morts selon la loi juive en France : les défis contemporains La question des cimetières juifs et de l'inhumation selon la loi juive est souvent abordée, à juste titre, dans une perspective historique. Pourtant, elle se pose aussi à l'époque contemporaine puisque des contraintes administratives, juridiques et éthiques pèsent, en France, sur les pratiques funéraires conformes à la Halakha, en tout cas, telles que les entendent les juifs traditionalistes et orthodoxes 1 . Au sein du corpus talmudique, la question de l'enterrement est peu abordée, si ce n'est, de manière tout à fait spécifique dans le traité Sanhédrin, au sujet de l'enterrement de criminels 2 . Elle fait certes l'objet d'un traité mineur 3 , vraisemblablement rédigé au II e siècle de l'ère commune, le traité Semahot 4 . Aussi appelé Evel, il évoque tout à la fois la mort, le rituel entourant les soins apportés aux défunts 5 et la période du deuil 6 : par exemple, la famille du défunt a interdiction de travailler 7 , d'étudier 8 , de porter des chaussures 9 , de se couper les cheveux 10 et pendant le premier jour du deuil, de saluer, de porter les teffilin 11 , ou de participer à une autre procession funéraire 12 . Le shabbat n'interrompt pas le deuil, contrairement aux fêtes 13 . Mais les lois régissant les inhumations et les exhumations, elles, proviennent surtout du Choulhan Aroukh, en particulier dans le traité Yore Dea. Sur la question des inhumations et des exhumations, traditionnalistes et orthodoxes ont une approche commune, si bien que c'est surtout entre eux et les libéraux que des différences se font jour. Certes, certains aspects de la législation sont communs à ces groupes. Par exemple, tous requièrent, pour que le corps retourne à la terre, qu'il soit au contact de la 1 Leur socle commun est constitué du respect shabbat, de la cacherout ainsi que des fêtes en suivant la Halakha à la lettre. Les orthodoxes y ajoutent une étude quotidienne des textes religieux. Traditionalistes et orthodoxes sont distincts, en cela, des juifs libéraux, qui appliquent aux textes religieux une exégèse historico-critique. Nous ne retenons pas ici l'appellation de « pratiquants », qui pourrait suggérer que les libéraux ne pratiquent pas. Nous ne retenons pas non plus l'appellation de juifs consistoriaux : le Consistoire, où des reconfigurations religieuses sont à l'oeuvre, devient une institution où coexistent des tendances bien différentes. L'expression de « judaïsme consistorial » ne permet donc pas de désigner une pratique homogène. D'après les chiffres fournis par Erik Cohen, traditionalistes et orthodoxes représenteraient 29 % des 500 000 juifs de France au début des années 2000.

Laval théologique et philosophique, 2000

Les notions de « mort » et de « mourir », parfois utilisées sans distinctions dans la littérature, font référence à deux dimensions fort différentes pour la personne en fin de vie, de même que pour toutes les personnes appelées à en prendre soin (intervenants de la santé, proches ou aidants naturels). Alors que la personne malade voit venir la mort, elle doit vivre son mourir. La mort succède ainsi au mourir, dans le temps. Par ailleurs, une réflexion d’ordre philosophique permet de préciser que la mort s’avère une ordonnance de la nature, elle est privation de la vie et un mystère. Et en tant que mystère, elle prendra forme selon les différentes croyances attribuées à l’immortalité de l’âme. Quant au mourir, il est l’épreuve par excellence d’une situation-limite. De plus, en dépit du caractère unique et individuel de cette expérience nouvelle pour tous, il assume différents visages. Si l’espoir de « connaître une belle mort » se conçoit aisément, le mourir n’en demeure pas moins le...