Papers by NOBUYUKI HIRASAWA

Études de langue et littérature françaises (126), 2025
Pour rédiger L’Éducation sentimentale et le chapitre VI de Bouvard et Pécuchet, Flaubert a lu plu... more Pour rédiger L’Éducation sentimentale et le chapitre VI de Bouvard et Pécuchet, Flaubert a lu plusieurs ouvrages de Pierre-Joseph Proudhon et il en a pris des notes. Dans ces notes, Flaubert s’est contenté de relever les traits antipathiques du socialiste ; et il a souvent négligé les enjeux polémiques de ses ouvrages. Certains critiques considèrent ainsi Flaubert comme insensible à la portée polémique des ouvrages proudhoniens qui visent à remettre en cause les arguments justifiant la propriété, sur lesquels s’appuient les théoriciens bourgeois de l’époque.
Pourtant, si l’on regarde de près la genèse de Bouvard et Pécuchet, il est clair que, dans son œuvre posthume, Flaubert avait l’intention polémique de remettre en cause les fondements théoriques de la notion de propriété, en se référant à des ouvrages proudhoniens tels que Qu’est-ce que la propriété ? et La Théorie de la Propriété. Flaubert n’était donc pas insensible à la dimension polémique des ouvrages proudhoniens. Si notre auteur n’a pas retenu ce plan initial dans le texte final, des traces de la critique proudhonienne sont néanmoins perceptibles dans l’épisode du débat entre Pécuchet et Foureau sur la location immobilière (le chapitre VI). Notre article se propose de reconstituer le contexte proudhonien de cette scène, qui restera imperceptible pour le lecteur d’aujourd’hui, sans l’examen minutieux des avant-textes du roman.

« Les débats sur l’économie politique dans L’Éducation sentimentale : Flaubert et le libéralisme de Frédéric Bastiat »
Pour la rédaction de L’Éducation sentimentale de 1869, Flaubert a consulté une importante documen... more Pour la rédaction de L’Éducation sentimentale de 1869, Flaubert a consulté une importante documentation sur le socialisme de la première moitié du XIXe siècle. À partir de ces recherches documentaires, l'auteur a ainsi fait un portrait-charge du type socialiste où il condamne le caractère tyrannique du socialisme. Cette antipathie envers la doctrine socialiste, aussi connue par sa correspondance et ses notes de lecture, peut s’expliquer par ses idées libérales. Sur ce point, quelques travaux ont déjà évoqué la pensée libérale de Flaubert, qui se rapproche de celle de Frédéric Bastiat (1801-1850). En effet, Flaubert lisait des écrits de Bastiat depuis 1852 et nous pouvons en retrouver des traces dans les dossiers de Flaubert. Mais on n’a pas jusqu’ici bien analysé comment cette lecture a contribué aux représentations de la société française dans les romans de Flaubert. Notre article essaie de combler cette lacune, en analysant les représentations des débats sur le libre-échange et la place de l’économie politique dans le roman de 1869.
IV. Flaubert et le libéralisme de son siècle
Hermann eBooks, Jun 27, 2023

Inspired by "liberalism in literature" (Hugo, "Preface" to Hernani, 1830), Flaubert defines himse... more Inspired by "liberalism in literature" (Hugo, "Preface" to Hernani, 1830), Flaubert defines himself as a furious liberal (letter, March 30 th 1857 to Miss Leroyer de Chantepie) : as a supporter of freedom, both in art and in society, Flaubert opposes all limits possibly imposed on it. Hence, this study aims at analyzing the expressions of Flaubert's liberalism in his novelistic representations. First part examines the origin of Flaubert's liberalism as from his youth works and contexts (family, school, literature), and attempts tracing the ethical molding of young Flaubert to become an independent and liberal artist. The following parts focuses on the critical and sociohistorical dimensions of Flaubert's three modern novels, Madame Bovary, L'Éducation sentimentale and Bouvard et Pécuchet in an approach to draw out the liberal questioning thereof. Second part is devoted to socio-political analysis of Madame Bovary. In 1851-1852, Louis-Napoleon Bonaparte used universal suffrage as idealized by democrats to legitimize his Coup and restoration of Empire regime. Faced with democratic vote, now a threat to democracy, Flaubert pointed out the deleterious tyranny imposed by public opinion. Criticism of generally accepted ideas, i.e., mediatized and ideological discourse, becomes then a major form of Flaubert's liberal commitment. Madame Bovary, as a novel about collective imagination, generally accepted ideas, power and danger of representations as well as about the spirit of an era (G. Séginger) is thus to be read in the view of such a scope of liberalism. Court's filing against Madame Bovary is also reviewed to highlight the subversiveness of Flaubert's literature, giving way to questioning the essence of relationship between politics and Flaubert's writing. Third part analyzes historical representations in L'Éducation sentimentale of 1869. To write this novel, Flaubert undertook extensive documentary research on the socialist discourses 9 of his time. From this historical material, he elaborated core characters to represent collective and socio-historical forces. Based on the socio-historical analysis of the text and draft, the political reflections Flaubert integrated into the novel were reconstructed, focusing on criticisms against neo-Catholicism developed by Flaubert in the novel. These criticisms reflect the historical and political contexts in the time of writing (1864-1869), as a struggle between Church and liberal intellectuals was in a climax. Fourth part examines, in chapter VI of Bouvard et Pécuchet, the way furious liberal Flaubert took -after extensive documentary research about political science -to portray a lack of method in 19th century political science, a central question in that chapter. Flaubert's critical intention responds to his political awareness -following France's defeat against Prussia in 1870 -that universal suffrage now gives detrimental pride of place to opinion against some scientific approach, Bouvard et Pécuchet as seen as a "critical encyclopedia in farce", being the expression of that liberal position of Flaubert in the 1870s. Against generally accepted ideas, Flaubert's novels effectively contain political reflections responding to the political situations and visions of his lifetime, whereby his "liberalism" conclusively appears as a critical method for questioning the origins of human and social servitudes.

Études de langue et littérature françaises, 2024
Flaubert et le libéralisme politique du XIXe siècle.
« droits de l’individu et de l’État » dans ... more Flaubert et le libéralisme politique du XIXe siècle.
« droits de l’individu et de l’État » dans Bouvard et Pécuchet
Dans le chapitre VI de Bouvard et Pécuchet, Flaubert tente de remettre en question certains postulats des sciences politiques de son époque, notamment la dichotomie entre les droits de l’individu et ceux de l’État. Dans cet article, nous nous proposons d’analyser la façon dont le « libéral enragé » Flaubert a mis en scène cette dichotomie. Nous examinons en particulier la genèse d’une scène de discussion où les deux protagonistes se disputent avec le notaire du village au sujet de la liberté d’expression et du salut public. Cette scène s’inspire des débats sur les droits respectifs de l’individu et de l’État entre John Stuart Mill et Charles-Brook Dupont-White.
Caricaturant ces débats, Flaubert attribue aux deux protagonistes du roman des arguments individualistes, et au notaire du village des raisonnements étatistes, comme la doctrine du salut public. Or, le roman révèle qu’une telle dichotomie est en fait inopérante. Car, si le notaire du village invoque le salut public pour justifier des mesures tyranniques, c’est parce qu’il craint que le désordre ne nuise à ses affaires. Indifférent aux affaires publiques, et soucieux de maintenir l’ordre à tout prix, ce personnage figure les écueils de « l’individualisme » tels qu’ils sont décrits par Tocqueville. Paradoxalement, le roman posthume de Flaubert nous montre ainsi que l’étatisme et l’individualisme, se confondant souvent, s’avèrent incapables de garantir les droits individuels face à l’autorité. Sur ce point, notre auteur n’est pas un libertaire, mais un libéral au sens authentique du terme, pleinement conscient des dangers de l’étatisme comme de l’individualisme, deux doctrines intransigeantes.

Flaubert. Histoire et études de moeurs., 2019
Pour la rédaction de L’Éducation sentimentale de 1869, Flaubert a consulté une importante documen... more Pour la rédaction de L’Éducation sentimentale de 1869, Flaubert a consulté une importante documentation sur le socialisme de la première moitié du XIXe siècle. À partir de ces recherches documentaires, l'auteur a ainsi fait un portrait-charge du type socialiste où il condamne le caractère tyrannique du socialisme. Cette antipathie envers la doctrine socialiste, aussi connue par sa correspondance et ses notes de lecture, peut s’expliquer par ses idées libérales. Sur ce point, quelques travaux ont déjà évoqué la pensée libérale de Flaubert, qui se rapproche de celle de Frédéric Bastiat (1801-1850). En effet, Flaubert lisait des écrits de Bastiat depuis 1852 et nous pouvons en retrouver des traces dans les dossiers de Flaubert. Mais on n’a pas jusqu’ici bien analysé comment cette lecture a contribué aux représentations de la société française dans les romans de Flaubert. Notre article essaie de combler cette lacune, en analysant les représentations des débats sur le libre-échange et la place de l’économie politique dans le roman de 1869.
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Papers by NOBUYUKI HIRASAWA
Pourtant, si l’on regarde de près la genèse de Bouvard et Pécuchet, il est clair que, dans son œuvre posthume, Flaubert avait l’intention polémique de remettre en cause les fondements théoriques de la notion de propriété, en se référant à des ouvrages proudhoniens tels que Qu’est-ce que la propriété ? et La Théorie de la Propriété. Flaubert n’était donc pas insensible à la dimension polémique des ouvrages proudhoniens. Si notre auteur n’a pas retenu ce plan initial dans le texte final, des traces de la critique proudhonienne sont néanmoins perceptibles dans l’épisode du débat entre Pécuchet et Foureau sur la location immobilière (le chapitre VI). Notre article se propose de reconstituer le contexte proudhonien de cette scène, qui restera imperceptible pour le lecteur d’aujourd’hui, sans l’examen minutieux des avant-textes du roman.
« droits de l’individu et de l’État » dans Bouvard et Pécuchet
Dans le chapitre VI de Bouvard et Pécuchet, Flaubert tente de remettre en question certains postulats des sciences politiques de son époque, notamment la dichotomie entre les droits de l’individu et ceux de l’État. Dans cet article, nous nous proposons d’analyser la façon dont le « libéral enragé » Flaubert a mis en scène cette dichotomie. Nous examinons en particulier la genèse d’une scène de discussion où les deux protagonistes se disputent avec le notaire du village au sujet de la liberté d’expression et du salut public. Cette scène s’inspire des débats sur les droits respectifs de l’individu et de l’État entre John Stuart Mill et Charles-Brook Dupont-White.
Caricaturant ces débats, Flaubert attribue aux deux protagonistes du roman des arguments individualistes, et au notaire du village des raisonnements étatistes, comme la doctrine du salut public. Or, le roman révèle qu’une telle dichotomie est en fait inopérante. Car, si le notaire du village invoque le salut public pour justifier des mesures tyranniques, c’est parce qu’il craint que le désordre ne nuise à ses affaires. Indifférent aux affaires publiques, et soucieux de maintenir l’ordre à tout prix, ce personnage figure les écueils de « l’individualisme » tels qu’ils sont décrits par Tocqueville. Paradoxalement, le roman posthume de Flaubert nous montre ainsi que l’étatisme et l’individualisme, se confondant souvent, s’avèrent incapables de garantir les droits individuels face à l’autorité. Sur ce point, notre auteur n’est pas un libertaire, mais un libéral au sens authentique du terme, pleinement conscient des dangers de l’étatisme comme de l’individualisme, deux doctrines intransigeantes.